Archives de l’année : 2015


La supervision en intelligence collective

Michel Moral

Mon mot du jour concerne le cinquième colloque international sur la supervision des coachs qui a eu lieu les 10 et 11 juillet à l’université Oxford Brookes.

Il y avait 20 participants le premier jour pour la Master Class de David Drake sur son approche narrative intégrative et 80 participants le deuxième jour, de huit nationalités différentes, dont quatre français en incluant Florence et moi-même. Au niveau des acteurs, cinq entités se distinguent par leur représentation :

  • Bien sûr l’université Oxford Brokes qui a organisé l’évènement et qui, par la voix de Tatiana Bachkirova, milite depuis longtemps pour une forme renouvelée de la supervision (voir à ce sujet mon mail du 26 juin 2014),
  • L’AOCS qui se pose comme l’association de superviseurs en pointe pour la supervision des coachs,
  • CSA qui continue à déployer sa formation de superviseurs de coachs à travers le monde,
  • Bath (Peter Hawkins) qui milite pour un focus accru sur le système du client.
  • L’ANSE qui était bien représentée cette fois et qui pousse tranquillement le système ce compétences « UE » publié en mars 2015.

L’APECS ansi que les grandes associations de coachs étaient silencieuses.

Depuis cinq ans que nous participons à cet évènement il apparaît clairement une évolution depuis un style de supervision hérité de la psychothérapie et matinée de principes issus du coaching  vers un style beaucoup plus ancré dans les notions les plus récentes, plus intégratives et plus orientées vers le système que vers le coach. Les différences culturelles apparaissent également avec la Grande Bretagne qui favorise plutôt la supervision individuelle, la Hollande qui utilise massivement l’intervision et les pays à l’Est qui sont plutôt orientés vers la supervision collective. Les interventions étaient d’ailleurs pour moitié (8 sur 16) sur la supervision individuelle.

Notre propre contribution, qui portait sur le fonctionnement d’un groupe de supervision en intelligence collective, se réclame du courant novateur. Florence Lamy en est la principale inspiratrice.

L’objectif, pour une demande donnée de l’un des supervisés, est de mettre plus de « cerveau collectif » dans le processus déployé au profit du demandeur. Pour cela un metaprogramme de pensée collective est élaboré qui conduit au choix (parmi une trentaine) ou à la création in petto d’un processus groupal.

L’idée met à profit les récentes recherches de David Engel et d’Anita Woolley sur l’intelligence collective. Notre hypothèse est que pour emmener le groupe de supervision en intelligence collective, outre l’empathie, il est nécessaire d’intégrer la notion de « théorie de l’esprit » (voir le Test de Sally ) Nous continuons à développer cette approche et la publierons très bientôt.

Peut-être pouvons-nous donner quelques détails sur la récente enquête menée par Peter Hawkins et Eve Turner sur la situation mondiale de la supervision. Par rapport à celle de 2006 à laquelle elle se compare certains points sont examinés plus en détail, en particulier les prix de la supervision et relations contractuelles entre l’organisation, le client, le coach et le superviseur.

La population étudiée comprend 717 coachs, 76 organisations et 61 clients individuels. Cette population se répartit sur les cinq continents avec environ un tiers des réponses en UK.

Par rapport à l’enquête de 2006, les résultats montrent que :

  • La supervision des coachs a fortement progressé : 83% au lieu de 44% en 2006,
  • 67% des organisations attendent que les coachs qu’elles emploient bénéficient d’une supervision mais beaucoup n’insistent pas sur ce point ou se contentent d’affirmations sans preuves,
  • 38% des organisations n’emploient un coach que s’il est supervisé,

Les différences entre les géographies sont importantes, ainsi les USA sont là où était la Grande Bretagne en 2006. Malgré une importante évolution il reste que les coachs internes sont encore beaucoup moins supervisés que les coachs externes et les contrats tripartites (organisation, coach, superviseurs) sont quasi inexistants et peu clairs.

Enfin, et c’est la plus important, les coachs donnent leur engagement à être professionnels comme première raison (93%) pour la supervision. L’obligation (exigence d’une association) ne vient qu’en troisième position (34%).

Impossible de tout résumer. Il y a eu quelques informations intéressantes sur les risques de la supervision, sur une notion de processus parallèle étendu, etc… Bref, un bon colloque.


Un colloque et un council pour la supervison

Michel Moral

Mon mot du jour concerne deux évènements récents où il a été question de supervision, mais pas beaucoup…

Tout d’abord le Council de l’EMCC qui s’est tenu à Londres le 12 juin et était consacré au plan stratégique 2015-2020. Quelques discussions intéressantes ont eu lieu en aparté avec les représentants de la Hollande et de l’Allemagne. Dans ces pays supervision et coaching sont deux métiers clairement distincts.

  • En Hollande l’association Nobco (2000 membres, affiliée à l’EMCC) exclut la supervision de son champ et laisse le soin à LVSC (National Association of supervision and coaching, environ 2300 membres et affiliée à l’ANSE) de s’en occuper. LVSC a accrédité 12 programmes pour la formation des superviseurs. Il y a en outre deux programmes qui ont reçu l’ESQA de l’EMCC, ce qui fait donc au total 14 écoles de superviseurs en Hollande.
  • En Allemagne les grandes associations internationales sont très peu représentées et il y a 30 associations de coachs. Onze d’entre elles ont formé une « Roundtable » afin de définir quelques directions communes. Pour la supervision, Deutsche Gesellschaft für Supervision (environ 2000 membres et affiliée à l’ANSE) couvre tous les types de ce métier et participe à la « Roundtable ».

En second lieu, le colloque sur la recherche en coaching et mentoring de l’EMCC a eu lieu à Varsovie les 23 et 24 juin. Environ 120 participants venant de 14 pays s’y sont rassemblés, avec beaucoup de coachs de la génération Y qui voient les choses « autrement » et créent entre eux des liens qui vont bien au-delà du simple intérêt pour la recherche.

Il n’y a eu qu’une seule contribution sur la supervision : celle que nous avons présentée et qui avait déjà fait l’objet d’une présentation l’an dernier à Ashridge.

Cette étude part d’une observation que nous avons faite depuis 2010 au cours de nos formations de superviseur de coach et qui concerne les similarités de comportement des stagiaires.

Nous avons donc posé la question de recherche suivante : «“Is there a specific personality profile of supervisors or of coaches who want to become supervisors?

Les analyses quantitatives sur le profil de personnalité des coachs sont rares. Ainsi par exemple Jonathan Passmore (2006) a utilisé le MBTI et identifié les différences entre les coachs et leurs clients. Les analyses sur la personnalité des superviseurs sont inexistantes.

La première étape de notre étude a été de mettre au point une méthodologie et pour cela choisir un outil de mesure. Nous avons préféré un outil dimensionnel et sélectionné le concept de Défense du Moi initialement élaboré par Anna Freud en 1936.

L’hypothèse opérationnelle proposée est finalement : “The ego defenses of supervisors or candidates to become supervisors are more oriented towards mature ego defenses than the general population and the population of coaches”.

Parmi les différents outils de mesure des défenses du Moi celui finalement sélectionné est le DSQ De Bond (1983) dans sa version à 72 items (DSM-III-R DSQ, voir Andrews & al., 1993).

La population étudiée se compose de 41 coachs et 18 superviseurs qui sont comparés entre eux et avec la population générale (n= 388). Le test de Student a été utilisé pour ces comparaisons.

L’hypothèse opérationnelle n’est pas vérifiée : Les défenses matures des coachs ne se distinguent pas de celles de la population générale et pour celles des superviseurs la sublimation est significativement moindre.

Pour les autres défenses, les coachs sont moins inhibés et idéalisent moins que la population générale. Au niveau des défenses immatures des deux populations, plusieurs sont significativement plus basses (Agression passive, isolation et retrait autistique) tandis que la rationalisation est significativement plus haute.

Donc en résumé coachs et superviseurs sont des personnes plus dans le lien que la moyenne tout en rationalisant. Retenons que les superviseurs subliment significativement moins et laissent donc passer quelque chose de leurs désirs archaïques. C’est justement ce qui avait attiré notre attention et conduit à poser la question de recherche.

Il a beaucoup été question de qualité et de validité au cours de ce colloque. La recherche en coaching traverse en effet une passe difficile en raison de du manque d’étude de qualité et du manque de coordination entre les efforts des chercheurs. Dans le monde académique les nouvelles recherches sont challengées et s’inscrivent dans une continuité qui est assurée par d’éminents Professeurs d’université. Dans le monde du coaching les recherches sont comme une poignée de riz jetée dans une prairie : chaque grain disparait sous les herbes et il est quasiment impossible de les rassembler pour cuisiner un délicieux gâteau (une percée conceptuelle majeure). En outre, la difficulté à de distinguer des paradigmes de la psychothérapie a été souligné.

Beaucoup de travail devant nous mais toute une nouvelle génération enthousiaste arrive, comme par exemple cette coach Polonaise de 23 ans (elle vit en Grande Bretagne et y coache depuis 5 ans) dont la recherche porte sur la possibilité pour un coach Y d’avoir pour clients des dirigeants.

Il y aura plusieurs évènements relatifs à la supervision au cours du troisième trimestre : le colloque organisé par Oxford-Brookes University en juillet, l’université d’été de l’ANSE à Zadar en Croatie en aout et le colloque de EC Vision sur les compétences à Vienne en septembre. Nous y participerons et vous donnerons des nouvelles, as usual.


Le futur de l’organisation de la supervision

Michel Moral

Mon mot du jour concerne un article paru récemment dans le périodique e-O&P qui consacre deux numéros à une discussion entre spécialistes sur le futur du coaching.

L’auteur, Vikki Brock, se place du point de vue de l’ICF aux USA pour décrire en détail les prises de position successives de l’ICF sur la question de la supervision et prendre elle-même parti dans le débat. Je peux fournir une copie de l’article à ceux ou celles que cela intéresse.

Cet article est en résonnance avec celui de Bob Garvey paru dans le précédent numéro du même périodique où il traite de son sujet favori : l’évolution du coaching depuis le « Wild West », système sans loi, vers le « Néo-féodalisme », monde de privilèges et de surveillance. Il voit en effet se former les strates depuis le coach non accrédité, puis accrédité à divers niveaux, puis le superviseur non accrédité et enfin accrédité. Une stratification analogue à celle qui distinguait écuyer, chevalier, baron, vicomte, comte, marquis, duc…

Bob est Professor de Management à l’Université York St John. La providence l’a doté d’un très gros QI et d’un humour décapant. Il mène sa croisade depuis des années, de colloque en colloque. Dans mon mot de juin 2014 sur le colloque international de superviseurs qui se tenait à Ashridge je disais :
« La question du néoféodalisme (présentation de Bob Garvey) est centrée sur celle d’un pouvoir détenu par peu de personnes, en particulier celui de décider comment la profession se structure.

Pour l’instant, ce sont surtout des groupes de travail spécialisés au sein des associations de coachs ou de superviseurs qui ont l’initiative, un peu sous la pression des clients, pas du tout à la demande des coachs eux-mêmes et bientôt beaucoup sous la pression des Pouvoirs Publics (UE en particulier). Ces groupes ne représentent que quelques dizaines de personnes dans le monde, fort peu en vérité, et qui en outre se connaissent bien. Vaste sujet de réflexion qui a donné lieu à de passionnantes discussions. »

Dans son article Vikki, qui est membre d’ICF (MCC) et spécialiste de l’histoire du coaching, voit l’apparition des mentors pour coachs dans le milieu des années 90. Ce n’est qu’en mars 2010 (le 25, exactement) qu’ICF définit le « mentor coach » dont le rôle est de porter le coach vers l’accréditation (« credential ») en le coachant sur ses compétences.

Un peu plus tard, en 2012, l’ICF précise comment elle distingue le « mentor coaching » de la supervision des coachs.
Vikki donne ensuite des explications bienvenues sur les diverses prises de position d’ICF sur la supervision intervenues au cours de l’année 2014 et qui n’étaient pas très claires vues d’ici : Damian Goldvarg (President) en juillet, Task Force de Tammy Turner, George Rogers (Assistant Executive Director) le 26 septembre et enfin clarification sur le site ICF le 14 décembre.

C’est sûr, le fait que la supervision devienne progressivement obligatoire ne plait pas à Vikki. A ce point, il faut souligner que ce que recouvre exactement la supervision n’est pas très clair mais elle précise les références exactes que chacun peut consulter. Selon elle les dangers pour la profession de coach sont les suivants :

  • Rendre floue la limite entre coaching et psychothérapie
  • Permettre aux Pouvoir Publics une régulation abusive
  • Faire supporter aux coachs des dépenses excessives
  • Et finalement contrôler l’industrie du coaching au bénéfice de ceux ou celles qui exercent ce contrôle (ce qui rejoint la thèse de Bob Garvey).

Elle conclut cette partie en écrivant : « This culture shift in the coach profession to more control by professional associations, through mandated supervisory practices, may lead to coaches voting with their feet”.

Si nous ne pouvons discuter ici de ce qui se passe aux USA et dans quelle mesure les craintes de Vikki y sont fondées, il semble que la situation en Europe est différente : l’Union Européenne et certains gouvernement (Italie par exemple) ont commencé à mettre leurs doigts dans le pot de confiture tandis que le monde Anglo-Saxon découvre avec stupéfaction le travail remarquable mené par l’ANSE.


Across Boundaries, la non-conférence de l’AOCS et de l’OCM

Michel Moral

Le mot de ce jour concerne le colloque organisé par l’AOCS et l’OCM à Heythrop Park le 21 mai 2015, « Across Boundaries, an OST event » 

Notre souci est d’intégrer tous les courants dans notre formation de superviseur. Pour cela nous nous efforçons de participer à tous les évènements européens relatifs à la supervision des coachs.

« Across Boundaries a été un moment riche d’échanges et de partages. Les organisateurs ont souhaité garder l’évènement aussi ouvert que possible, et ont donc opté pour une « un-conference », sous la forme d’un Open Space Technology (OST).

Cela a permis de faire émerger les sujets depuis les participant-e-s directement, et d’être ainsi pleinement en contact avec les préoccupations et enjeux de la communauté des coachs et supervisieurs représentées.

Après l’émergence des sujets, trois sessions de conversations en petits groupes ont eu lieu, avec des temps de restitution collective qui ont réuni une soixantaine de personnes représentant 9 pays (UK, France, Grèce, Australie, Pays-Bas, Espagne, Afrique du Sud, Canada, Malaisie). Mis à part le Royaume-uni, tous les autres pays n’étaient représentés que par une seule personne.

Les sujets discutés au cours de la journée sont ceux qui structurent actuellement le débat du coaching et de la supervision :

  • Qu’est-ce que la supervision des coachs, finalement ?
  • Pourrait-on lui trouver un meilleur nom ? 
  • « If not competencies, then what ? » 
  • Quelle est la valeur et le retour sur investissement (ROI) de la supervision ? 
  • Comment faire évoluer la supervision dans un contexte « d’aplatissement hiérarchique » des organisations ? 
  • Qui supervise les superviseurs ? 
  • Comment maintenir la pertinence du coaching et la supervision avec la génération Y ? 
  • Comment est-ce que les organisations professionnelles pourraient apporter plus ?
  • La supervision du coaching d’équipe
  • Comment augmenter l’adoption de la supervision ?
Les discussions auxquelles j’ai participé font apparaître des points de consensus et de divergences :
  • Les participants s’accordent à considérer que la valeur de la supervision se mesure d’abord par son impact sur le coach, ou que la génération Y n’est pas en soi un problème, mais qu’elle peut constituer un « management blindspot » (un angle mort), puisque contrairement à la génération précédente « lorsque les Y sont insatisfaits des organisations, ils les quittent ».
  • Des points de vues fortement divergeants se sont également exprimés, autour des moyens de réguler la profession de superviseur : une forme d’auto-organisation souple et agile ou des cadres plus précis et des corpus de compétences.

Finalement, les résultats d’un sondage auprès des participants nous ont été présentés (nous pouvons l’envoyer aux personnes intéressées), ce qui permet d’avoir une image globale des enjeux actuels. (les thèmes qui reviennent en supervision sont par exemple très divers, développement personnel, gestion du temps, leadership, accompagnement du changement, gestion du stress…) »

Comme pour les précédentes conférences européennes (ANSE, Budapest…) et pour les suivantes, nous nous efforcerons d’intégrer ces réflexions et développements dans nos formations.


EMCC accrédite maintenant les superviseurs

Michel Moral

Mon mot du jour concerne l’annonce par l’EMCC de la mise à disposition générale de son accréditation individuelle de superviseur de coachs : l’ESIA (European Supervision Individual Accreditation). Elle consolide la stratégie de l’EMCC dans le domaine de la supervision des coachs et était attendue puisque qu’un pilote avait été lancé en juin 2014. L’annonce précise :

“If you have been supervising mentors/coaches for 3 years or more, have had at least 10 clients and can evidence 120 contact hours, then an ESIA is in reach. Naturally, you’ll also need to demonstrate an appropriate level of knowledge and application in your practice.”

Ce n’est la première des grandes associations internationales de coachs à avoir annoncé une telle accréditation : l’Association for Coaching (AC, 4000 membres) a introduit la sienne en septembre 2013. Quant aux associations de superviseurs Anglaises telles que l’APECS et l’AOCS, elles ont aussi de telles accréditations qui sont moins formalisées. Leur couverture se limite cependant à la Grande Bretagne.

Cette annonce est la conclusion d’un processus qui a commencé en Grande Bretagne en 2006 avec la « Roundtable » qui assemblait l’ICF UK, l’EMCC, l’AC, l’AOCS et l’APECS.
En septembre 2010  l’EMCC a constitué un groupe de travail international mené par Lise Lewis (actuelle Présidente de l’EMCC), qui comprenait une représentation de l’ICF (Magdalena Mook), et dont l’objectif était de créer une accréditation des formations de superviseurs de coachs (ce qui est devenu l’ESQA annoncé en 2013) sur la base des compétences mise au jour par la « UK Roundtable ».
Au début de 2013 un groupe a été mis en place pour créer l’ESIA dont les travaux ont maintenant été menés à bien.

Il n’est pas si simple de développer une accréditation de superviseur de coachs répondant à la demande des entreprises et susceptible d’être déployée internationalement. Les principales difficultés sont en particulier :

  • La  pertinence des critères d’attribution et leurs niveaux d’exigence dont nous en avons discuté dans le chapitre 12 de notre livre « Les outils de la supervision ».
  • La prise en compte de la diversité géographique et de la diversité des conceptions de la profession de coach
  • La convergence nécessaire vers l’EQF (European Qualification Framework)
  • La mise en place de l’organisation indispensable pour traduire, former des assesseurs, gérer les dossiers, etc…
  • Le dosage entre simplicité et facilité : Une usine à gaz ne tentera personne et trop peu d’exigence réduirait à néant la crédibilité de l’offre.

Il sera intéressant de voir la réaction de l’ANSE qui est chargée par l’UE de la définition des compétences de superviseur. Les occasions pour en discuter de vive voix avec eux sont nombreuses d’ici la fin de l’année.


Conférence de l’ANSE à Budapest

Michel Moral

Le mot de ce jour concerne le colloque sur la recherche en supervision organisé par l’ANSE à Budapest les 24 et 25 avril 2015.

« Le colloque assemblait une soixantaine de personnes venant de 13 pays, essentiellement de l’est de l’Europe. J’étais le seul Français qui a participé à un colloque de l’ANSE depuis sa création, donc objet de beaucoup de curiosité : la France est une zone blanche sur la carte pour cette association qui réunit 8000 superviseurs.

Le premier thème abordé concerne un enjeu important pour l’ANSE : faire de la profession de superviseur une activité auto-régulée et reconnue par l’Union Européenne dans le cadre du « Long Life Learning » et de l’EQF (European Qualification Framework).

Le thème principal du colloque concerne la recherche en supervision sur laquelle on peut noter deux conclusions importantes

Premièrement, les études pragmatiques montrent que la supervision a des effets positifs sur les clients finaux dans les organisations, notamment en termes de réduction du turnover, réduction de la fatigue émotionnelle et amélioration de la capacité à communiquer.

Cela dit, beaucoup de recherches restent à mener pour mieux comprendre le pourquoi de tels effets, même si la qualité de la relation entre superviseur et supervisé apparait comme un facteur prévalent.

Un autre point d’intérêt concerne les dommages potentiels subis par les supervisés lors de certaines supervisions. Affronter cette question au sein de la profession est absolument nécessaire pour progresser vers une plus grande maturité de cette activité et sa reconnaissance par les Pouvoirs Publics et les organisations clientes.

Les recherches pragmatiques sur ce thème commencent et mettent en avant trois éléments qui favorisent les dommages potentiels (« potential injuries ») :

  • Une supervision collective qui a lieu sur le lieu du travail
  • La présence obligatoire aux séances de supervision
  • La présence du supérieur hiérarchique ou du coordinateur des supervisés

Ces éléments nous évoquent une forme de supervision institutionnelle de coachs internes qui, fort heureusement, n’est pas représentative des situations en France. Nous pouvons envoyer une copie des slides à ceux d’entre vous que cela intéresse.

Il y a eu plus de 20 interventions en parallèle, donc beaucoup de contenu qui va nous permettre d’enrichir notre formation de superviseur.

L’évènement a aussi permis d’établir de nombreux contacts avec cette association jusqu’ici peu connue à l’ouest de l’Europe. »

Je n’ai rien à ajouter sauf me réjouir de voir s’activer la recherche sur la supervision. Nous nous efforcerons, Florence et moi, de participer à tous les évènements relatifs à la supervision en Europe (nombreux cette année) et de vous en informer.   


Les compétences de la supervision d’après l’ANSE

Michel Moral

Le mot de ce jour concerne la publication le 11 septembre par l’ANSE du document « A European Competence Framework of Supervision and Coaching ».

Je suis vraiment désolé de revenir si vite vers vous mais la nouvelle est d’une grande importance : il s’agit en effet desbases de la régulation des professions de coach et de superviseur de coach par l’Union Européenne.

Ce document ne devait être publié qu’en septembre. C’est donc aussi une surprise.

J’avais expliqué le processus poursuivi par l’Union Européenne et l’ANSE depuis 2009 dans mon mail du 19 juillet 2014 dont voici un résumé :

L’ANSE a vu le jour en 1997 lorsque plusieurs associations de superviseurs se sont regroupées, elle compte maintenant 8000 membres. Basée à Vienne sa mission est de favoriser les échanges et la coopération entre superviseurs en Europe.

Elle travaille depuis 2009 sur les projets de l’Union Européenne en collaboration avec Eurocadres, en particulier sur les objectifs de l’agenda de Lisbonne. En 2011 se forme une structure de travail entre l’ANSE, Eurocadres et VHS GmbH pour faire une proposition dans le cadre du projet Européen Leonardo da Vinci (développement de l’Innovation) : le projet ECVision.

Celui-ci est choisi par l’UE en 2012 avec pour objectif : « develop a European System of Comparability and Validation of Supervisory Competences ».

Le projet comprend trois livrables :

  • Un glossaire qui a été délivré en février 2014,
  • une matrice de compétences qu’il était prévu de délivrer en septembre 2015,
  • et un processus de validation des compétences dont la date de parution n’était pas précisée. Le projet est inscrit dans le cadre l’EQF (European Qualification Framework) et formera in fine une accréditation des superviseurs « estampillée UE ».

La publication de la matrice de compétences était donc attendue avec impatience, mais plus tard cette année. Il s’agit d’un document de 36 pages que l’on peut télécharger à partir du site de l’ANSE.

Il est articulé selon la logique EQF (European Qualification Framework) et autour de la taxonomie de Bloom.
Chaque compétence est donc illustrée par une douzaine d’indicateurs, parfois plus, relatifs au « savoir », au « savoir-faire » et aux « comportements observables ». Il y a 9 catégories de compétences pour un total de 24 compétences donc au final énormément d’indicateurs.

La matrice de compétences n’est pas faite pour être couverte entièrement mais pour que les organismes concernés puissent y puiser les éléments qui leur paraissent essentiels :
* Elle permet donc à une association de coachs et/ou de superviseurs de décrire son système d’accréditation en fonction de son identité, ce qui lui permettra de se comparer aux autres associations nationales ou internationales.
* Elle permet aussi de comparer les programmes de formation au coaching et à la supervision.
* Enfin elle permettra peut-être de construire une accréditation Européenne de coach et/ou de superviseur de coachs.
* Tout cela devrait offrir une meilleure protection aux clients.

Bref, tout cela avance très vite, plus vite que prévu… Les associations se sont déjà mises à réfléchir à ce que cela signifie pour elles.


Qu’est-ce qui explique l’intelligence collective ? 

Michel Moral

Le mot de ce jour concerne la recherche publiée en décembre 2014 par David Engel à propos de l’intelligence collective et qui a suscité pas mal d’échanges entre superviseurs de différents pays. Un des thèmes qui préoccupe actuellement les superviseurs anglo-saxons est en effet la supervision des coachs d’équipe et les techniques afférentes.

Cette recherche fait suite à celle, très remarquée, d’Anita Woolley publiée en 2011.

La plupart d’entre vous ont dû en entendre parler. Pour mémoire la recherche de Woolley porte sur 200 groupes soumis à 10 tâches différentes. L’analyse statistique fait apparaître qu’un seul facteur peut expliquer 43% de la performance.

Ce facteur baptisé « intelligence collective » par Woolley est très corrélé avec la façon de distribuer la parole au sein du groupe et avec la « sensibilité sociale » (intelligence relationnelle) totale mesurée à l’aide du test « Reading the mind in the eyes » de Baron-Cohen (2001) .

La recherche de David Engel porte sur 68 groupes. L’objectif est d’explorer dans quelle mesure l’intelligence collective émerge dans des groupes travaillant online.

Elle reprend le protocole de celle d’Anita Wolley avec les variantes suivantes :

  • Une partie des groupes communique en face à face tandis que l’autre ne communique qu’en ligne, par du texte seulement, via un système partagé. Les membres de ces derniers groupes n’ont jamais rencontré leurs coéquipiers.
  • La contribution des membres qui communiquent en ligne est mesurée par la quantité de texte envoyé.
  • La personnalité des participants est mesurée avec le « Big 5 » et agrégée en un facteur de personnalité par groupe.
  • Les tâches sont plus nombreuses et plus variées.

Les résultats sont intéressants, en résumé :

  • Le facteur « intelligence collective » explique 49% de la performance pour les groupes face à face et 41% pour les groupes online.
  • Le total des scores au « Reading the Mind in the Eyes Test » est fortement prédictif de l’intelligence collective, aussi bien pour les groupes face à face que pour les groupes online.
  • Comme pour la recherche de Wooley la présence de femmes a un effet positif sur l’IC mais l’intelligence cognitive des membres n’en a que peu.
  • Le facteur de personnalité par groupe n’a pas d’effet sur l’IC.

Ce que montre la recherche d’Engel, c’est que le test « Reading the Mind in the Eyes » donne une bonne mesure de la « Théorie de l’Esprit », terminologie que les auteurs préfèrent à celle de « sensibilité sociale » utilisée par Woolley.

Mais, et c’est là le fait le plus significatif, ce test mesure également très bien notre capacité à « lire entre les lignes » l’état d’esprit et les intentions de l’autre dans du texte online (mails par exemple).

C’est une information très importante à une époque où nous coachons des équipes dispersées à travers le monde et nous supervisons, parfois à distance, des coachs qui ont la charge de telles équipes. Combien de fois sommes-nous tombés sur des situations de mails sur-interprétés qui conduisent à de graves malentendus ?

La bonne nouvelle est que la possibilité d’améliorer la « sensibilité sociale » existe. Métaphoriquement il suffit de lever les yeux depuis notre nombril vers le regard de l’autre. Cette discipline intérieure du coach et du superviseur peut s’acquérir simplement par entrainement.

A noter que d’autres test existent pour mesurer la « sensibilité sociale » tels que « Faux Pas Recognition », « Reading the Mind in the Voice » et « Social Reasoning Wason Selection » et il est à prévoir qu’ils prédisent également la capacité à lire entre les lignes.

Pour finir, le programme de la cinquième conférence internationale sur la supervision des coachs est maintenant disponible. La conférence aura lieu cette année le 11 juillet au John Henry Brookes Building à l’Université Oxford Brookes.


Les superviseurs et la culture coaching

Mon mot du jour concerne le rôle des superviseurs dans un champ particulier du coaching : la« culture coaching », notion qui prend de plus en plus d’importance chez nos grands clients internationaux.
L’examen des thèmes abordés dans les colloques internationaux montre en effet que les coachs y réfléchissent depuis 2003, mais plus encore depuis peu, et que les superviseurs commencent à y penser sérieusement depuis un an.

Tout d’abord, de quoi s’agit-il ?
Je crois que les premiers à en parler ont été Janice Caplan en 2003 (« Coaching for the Future », CIPD) et Alison Hardingham en 2004 (« The Coach’s Coach », CIPD).
David Clutterbuck et David Meggison (proches de l’EMCC) dans un ouvrage paru en 2005 (« Making coaching work: creating a Coaching Culture », CIPD) donnent cette définition : « La culture coaching existe lorsque le coaching devient un style prévalent de management et de travail en commun avec pour finalité de faire croître à la fois l’organisation et les personnes »

Il s’agit donc d’une modification de la culture d’entreprise visant à introduire des valeurs detransformation et de culture cohésive (des valeurs de niveau 4 et 5 dans CTT) dont on sait qu’ils sont les prérequis à l’intelligence collective. Cette idée de culture plus transformationnelle et plus cohésive a progressivement évolué vers celle d’une approche permettant de coordonner l’ensemble des missions de coaching pour mieux les mettre au service de la stratégie de l’entreprise.

En 2012, Peter Hawkins (proche de l’EMCC et de l’APECS), dans son livre « Creating a Coaching Culture » (McGrawHill), pose la question de la culture coaching en ces termes : « Quelle contribution unique peut apporter le coaching aux besoins de demain ? ».

Dans les années 90 le besoin de demain (donc de 2015…) était très clairement identifié comme le développement de leaders capables de relever les défis du 21ième siècle. L’industrie du coaching a bien répondu à ce besoin au point qu’une majorité des missions de coaching individuel actuelles comportent un objectif sur le développement du leadership.

Aujourd’hui, il n’est pas évident que les missions de coaching soient aussi bien connectées aux besoins de demain et il est rare que les questions suivantes soient posées : « Qu’apprenons-nous de l’ensemble des actions de coaching qui ont été menées ? » et « En quoi cet ensemble d’actions sert la stratégie de l’entreprise ».
Dans un ouvrage récent (« How to create a Coaching Culture » paru en 2014) Gillian Jones et Ro Gorell (proches de l’AOCS et de l’ICF) établissent qu’il y a deux approches : « Vous pouvez soit aligner la culture d’entreprise sur la stratégie de l’entreprise, soit considérer cette culture comme votre stratégie ». Dans les faits, on observe le plus souvent une combinaison des deux approches, certains éléments de la stratégie pouvant être des éléments de culture (par exemple, « devenir solidaires » comme élément de stratégie ou « solidarité » comme élément de la culture cible). Ce qui différencie les deux approches est le « comment ».

Bien entendu, un certain nombre d’outils de mesure des progrès de l’implantation de la culture coaching ont fleuri ici et là et je peux envoyer à ceux que cela intéresse un exemple de ces outils présenté au colloque EMCC tenu à Venise en novembre 2014.

Toutes ces notions sont probablement très familières aux coachs de dirigeant et aux coachs internes qui sont les premiers concernés et je m’excuse d’avoir été un peu long dans cette introduction.

Et la supervision dans tout cela ?
Les superviseurs internationaux savent bien que la guerre des coûts directs est en cours d’achèvement, à coups de délocalisation, de verticalisation et d’externalisation, et que celle des coûts indirects l’est également.
La bataille de la compétitivité se déplace donc désormais vers la culture d’entreprise avec pour enjeu de d’occuper rapidement le champ des valeurs transformationnelles et cohésives qui sont le socle de l’intelligence collective.

Les associations de superviseurs ne sont pas toutes au même niveau de réflexion sur le sujet. L’AOCS qui s’appuie sur Ashridge (grosso modo l’équivalent UK du CRC d’HEC ou de l’INSEAD) est en pointe en raison d’un background très entrepreneurial.  Elle mène le bal en incluant les autres associations comme l’ICF, l’EMCC, l’AC et APECS dans ses réflexions.
Les axes des groupes de travail portent sur les façons de coordonner la supervision des coachs internes et externes en vue de mieux servir le développement de la Culture Coaching.
Ceci conduit inéluctablement à ce que les organisations portent un regard plus attentif sur la qualité des superviseurs des coachs qu’elles emploient. Elles insistent donc auprès des associations pour qu’il existe des formations et des accréditations de superviseur. Bien sûr, certains entrevoient de possibles dérives (instrumentalisation des superviseurs par exemple) et le champ de réflexion est très vaste.

Du côté de l’Europe Centrale l’ANSE n’est pas très active sur le sujet. Il existe quelques groupes de réflexion, en particulier autour de Frank Bresser mais je n’ai pas encore investigué en profondeur de ce côté. « One problem at a time… » nous verrons cela plus tard.