Archives du jour : 05/10/2015


Colloque de l’ECVision à Vienne : de l’applicabilité des référentiels de coachings et supervision

Mon mot du jour concerne le colloque de l’ECVision qui s’est tenu à Vienne les 24 et 25 septembre. Ayant passé sept ans à Vienne avant de devenir coach en 2003, y revenir était source de beaucoup d’émotion.

Il y avait 80 participants (20% d’Universitaires) venant de quinze pays. L’ANSE bien sûr (tout le Board), l’ICF (Magda Mook), l’AOCS (Erik de Haan) et l’EMCC étaient représentés officiellement. L’AC n’était pas présente.

Le thème de ce colloque était la logique du référentiel des 24 compétences du coaching et de la supervision mais surtout son applicabilité en Europe.

Après une première matinée un peu lente la réunion a pris son rythme avec les sessions partagées de l’après-midi dont les résultats ont été repris dans un World Café assez animé le lendemain matin.

La logique des 24 compétences est, sans surprise, de se conformer aux principes de l’EQF (*), de l’ECTS et de l’ECVET (**), mais en mettant l’accent sur les comportements observables plutôt que sur des postures. Elles sont articulées autour des interactions, des actes professionnels et de l’organisation. Toutefois l’intrapsychique hérité de la psychothérapie, n’est pas ignoré de même que les éléments de la personnalité, les valeurs et les croyances individuelles.

L’applicabilité du référentiel a donné lieu à de vives discussions. Les USA (représentés par Magda) et les associations « de l’Ouest » (EMCC, ICF, AC, APECS et AOCS) souhaitent assez fermement un référentiel uniforme pour le coaching. Par contre, les positions sur le supervision sont variées.

De son côté l’ANSE a une valeur centrale : la diversité, c’est-à-dire qu’elle reconnait le fait que les pays, les professions de l’aide (coach et superviseur en particulier), les associations et les organisations clientes ont des besoins très différents en raison de la culture et de l’environnement politique.

L’idée de l’ANSE est que dans un premier temps chaque pays/entité pourrait puiser dans les 24 compétences pour construire son propre référentiel (D’ailleurs plusieurs grandes entreprises l’ont déjà fait en complétant le référentiel de coaching de l’EMCC ou de l’ICF afin d’y ajouter des compétences sur le leadership et l’organisation).

L’avantage à terme de l’adoption généralisée du référentiel de l’ECVision serait la comparabilité entre les professions, les formations, les spécialités, etc… Il permettrait en particulier de rendre possible la discussion et les accords entre les associations, les organismes de formation privés, les universités et les Pouvoirs Publics.

Tout cela conduit à deux questions que se posent les association de coachs et de superviseurs :

  • Entre « co-régulation » (accord avec les autorités d’un pays), “auto régulation” et régulation par l’Union Européenne, que faut-il choisir ? Les exemples actuels (Italie, Bulgarie, certains états américains) montrent que les Pouvoirs Publics locaux ont tous la tentation de la “co-régulation” c’est à dire avoir un contrôle sur le coaching et la supervision.
  • Pourquoi ne pas faire converger les référentiels ? Erik pour l’AOCS a été clair sur le fait que ce n’était pas son souhait. L’ICF n’a pas encore une stratégie bien établie quoique les faits montrent qu’un mouvement est amorcé. L’EMCC a déjà inscrit dans sa stratégie long terme la convergence avec l’EQF et a commencé à modifier son référentiel et à utiliser la terminologie du glossaire de ECVision (annonce d’un petit pas cette semaine). L’ANSE vise l’harmonisation des référentiels au sein de ses pays afin de pouvoir faire progresser son idée de « carte professionnelle Européenne » pour la supervision.

La stratégie court terme de l’ANSE et de ses partenaires, Eurocadres en particulier (accès à un immense réseau), est la dissémination du référentiel ECVision. Les universités et entreprises représentées ont donné leur support. Les résistances sont cependant nombreuses :

  • Tout d’abord le mécanisme NIH (“Not Invented Here”) qui  est la tendance à ne pas s’intéresser à ce qui vient d’ailleurs. La position de l’AOCS (voir ci-dessus) en est une illustration et tout le monde s’attend à une forte résistance des associations Britanniques de coach et de superviseurs.
  • Ensuite, les enquêtes montrent que les prescripteurs sont en général peu intéressés par les qualités intrinsèques des référentiels de compétences pour le coaching ou la supervision. En outre les différences entre coaching et supervision des coachs sont mal comprises par le marché et même par certains coachs et superviseurs (alors que le sujet est très bien documenté).
  • Les premiers petits pas ne vont pas dans le sens d’une harmonisation. Une anecdote l’illustre : une des différences entre le référentiel de l’ICF et ceux de l’EMCC, l’AC et d’ECVision est la compétence « Engagement de développement personnel », non couverte par le référentiel ICF mais faisant partie du processus de certification. ICF vient récemment de l’introduire dans la nouvelle version de son Code de Déontologie (version juin 2015 – item 28, voir ***). Est-ce la bonne place pour un élément aussi critique ? Pourquoi pas, puisque cet élément fait partie de certains Code de Déontologie (celui des psychologues en France par exemple). Mais, cela n’aide pas la comparabilité entre les référentiels des grandes associations de coachs alors que celles-ci en discutent au sein de GCMA (Global Coaching and Mentoring Alliance qui assemble ICF, EMCC et AC)…
  • Les faits montrent que, devant la complexité de ce marché en pleine évolution, nombre de clients ont renoncé à s’intéresser aux détails des référentiels de compétences et aux accréditations associées. Jusqu’ici les grandes associations de coachs et de superviseurs évoluent prudemment. Les choses changeront sans doute, mais lentement…

(*) L’EQF (European Qualification Framework) est la référence qui permet de comparer les qualifications de chaque activité professionnelle. Chaque branche établit un référentiel de compétences (RdC), qui décrit les activités professionnelles, les fonctions et les processus relatifs à chaque secteur professionnel ainsi que les compétences requises pour l’exercice d’une profession dans ledit secteur. Il devient alors possible d’obtenir la reconnaissance réciproque des diplômes, certifications et accréditations dans toute l’Europe.

(**) L’Agenda de Lisbonne (2000, compétitivité du savoir en Europe) se concrétise par la Déclaration de Bologne – réalisation d’un espace européen des études supérieures – et par le Processus de Copenhague pour la formation professionnelle.
Les deux processus visent la perméabilité, la transparence et la mobilité dans les domaines de la formation. La formation universitaire applique pour cela le système de crédits ECTS (European Credit Transfer System). La formation professionnelle s’appuie sur le système de crédits, l’ECVET (European Credits for Vocational Education and Training) : les compétences définies à l’aide de l’EQF sont dotées de points qui permettent de calculer le niveau de qualification.

(***) Section 5: Continuing Development – As a coach, I: 28. Commit to the need for continued and on-going development of my professional skills