Archives du mois : octobre 2015


L’accrédition des superviseurs de coachs en Europe

Bonjour,

Mon mot du jour concerne les accréditations individuelles de superviseur de coach en Europe. J’ai eu l’occasion de faire le point sur cette question en rédigeant un article pour le numéro de novembre du magazine Américain « Future of Coaching » qui sera consacré à la supervision et au mentorat des coachs.

Il faut tout d’abord préciser le vocabulaire utilisé ici. Il y a en effet trois notions, aussi bien pour le coaching que pour la supervision :

  • Ce qui est délivré par un organisme ou une école au terme d’une formation est souvent nommé « certification ». Parfois les Pouvoirs Publics imposent d’autres termes comme « attestation » (Italie suite à la loi de 2013 qui contrôle les métiers de l’accompagnement). Les universités délivrent des diplômes d’Etat (Master ou Doctorat)

 

  • Pour ce qui concerne la professionnalisation des coachs les termes « certification » (ICF) et « accréditation » (EMCC) sont utilisés. En Italie les Pouvoirs Publics utilisent « certification » pour ce qui concerne leurs propres critères de professionnalisation et « accréditation » pour ce que délivrent les associations de coachs. Pour les superviseurs c’est le terme « accréditation » qui est utilisé par l’EMCC, l’AC, l’AOCS, l’APECS et certaines des associations affiliées à l’ANSE. L’ICF n’accrédite ou ne certifie pas les superviseurs.

 

  • L’approbation des programmes de formation par une fédération de coachs est généralement nommé « accréditation » (ICF et EMCC). Pour les formations de superviseurs de coachs certaines des associations affiliées à l’ANSE (par exemple LVSC en Hollande) accréditent des formations de superviseur. l’EMCC a également une accréditation de formation de superviseurs de coachs : l’ESQA (European Supervision Quality Award lancée en 2013) et une centaine de coachs en France ont un certificat ESQA.

Dans la suite nous utiliserons « certification » pour le fait d’avoir reçu une formation et « accréditation » pour la reconnaissance professionnelle par une fédération.

L’accréditation comporte, entre autres choses, une réflexion sur les compétences, la preuve d’une expérience professionnelle (entre  200 et 400 heures pour la supervision) et l’évidence d’une formation professionnelle continue. La « Réflexion sur les compétences » se réfère à un référentiel des compétences du superviseur distinct de celui du coach. L’EMCC, l’AC, l’ANSE, l’AOCS et l’APECS ont un tel référentiel spécifique pour les superviseurs.

Voyons les chiffres :

L’APECS (Association for Professional Executive Coaching and Supervision), centrée sur la Grande Bretagne a environ 150 membres dont 20 superviseurs accrédités.

L’AOCS (Association of Coaching Supervisors) a environ 120 membres superviseurs accrédités. Elle est présente en Espagne, USA, Canada, Benelux, France, Irlande, Afrique du Sud et Asie.

L’EMCC (European Mentoring and Coaching Council) a environ 5000 membres en Europe. Sa position sur la supervision, exprimée par David Sleigtholm, EMCC VP est :

“There is a body of opinion in the coaching and mentoring worlds that in order to practice safely and to develop and provide the best service to the client, the coach or mentor needs to engage in a process of review and reflection.”

Son référentiel de compétences pour la supervision (7 compétences), distinct de celui de coach, est hérité des travaux de la “UK coaching bodies roundtable” qui assemblait en 2006 l’EMCC UK, l’ICF UK, l’AC, l’APECS et l’AOCS.

L’EMCC a annoncé son accréditation individuelle de « superviseur de coachs » (ESIA, European Supervision Individual Accreditation) en mai 2015 et a actuellement 5 superviseurs accrédités.

L’ICF (International Coaching Federation) a environ 5000 membres en Europe. Sa position sur la supervision, dans un document disponible sur son site distingue :

  • Coaching Supervision is the interaction that occurs when a coach periodically brings his or her coaching work experiences to a coaching supervisor in order to engage in reflective dialogue and collaborative learning for the development and benefit of the coach and his or her clients.
  • Mentor Coaching as coaching for the development of one’s coaching, rather than reflective practice, coaching for personal development or coaching for business development, although those aspects may happen very incidentally in the coaching for development of one’s coaching. 

ICF a des mentor coachs référencés mais pas d’accréditation des superviseur de coachs.

L’AC (Association for coaching) a environ 1500 membres en Europe.

Son référentiel des compétences pour la supervision (9 compétences), distinct de celui de coach, couvre les mêmes éléments que celui de l’EMCC.

L’AC a annoncé son accréditation individuelle de « superviseur de coachs » en septembre 2013  et a actuellement 11 superviseurs de coachs accrédités. Elle délivre aussi une accréditation de « superviseur » pour ceux ou celles qui ne sont pas coachs (psychiatres, etc…) mais qui supervisent des coachs. 65 “superviseurs” sont accrédités.

L’ANSE est une association d’associations qui laisse beaucoup de liberté aux pays affiliés. Il est difficile de résumer les pratiques différentes dans ces 24 pays car la démographie des 8000 membres est pour l’instant succincte. Les superviseurs reçoivent une formation longue qui ne se limite pas au coaching et se fait souvent dans les universités.

L’ANSE promeut le référentiel de l’ECVision qui comporte 24 compétences de coach et de superviseur.

Il existe par ailleurs une trentaine d’associations locales de coachs ayant entre 60 et 300 membres et dont certaines ont pour usage de coopter les superviseurs parmi leurs membres. Plusieurs de ces associations envisagent d’adopter l’accréditation de l’EMCC, de l’AC ou des affiliés de l’ANSE les plus proches.

En résumé la situation en est encore au stade de la « cristallisation » mais peut s’accélérer rapidement. L’un des principaux freins est que les client comprennent encore mal ce qu’est la supervision et nombreux pensent que c’est seulement du « coaching de coach ».

Bonne journée à tous


Colloque de l’ECVision à Vienne : de l’applicabilité des référentiels de coachings et supervision

Mon mot du jour concerne le colloque de l’ECVision qui s’est tenu à Vienne les 24 et 25 septembre. Ayant passé sept ans à Vienne avant de devenir coach en 2003, y revenir était source de beaucoup d’émotion.

Il y avait 80 participants (20% d’Universitaires) venant de quinze pays. L’ANSE bien sûr (tout le Board), l’ICF (Magda Mook), l’AOCS (Erik de Haan) et l’EMCC étaient représentés officiellement. L’AC n’était pas présente.

Le thème de ce colloque était la logique du référentiel des 24 compétences du coaching et de la supervision mais surtout son applicabilité en Europe.

Après une première matinée un peu lente la réunion a pris son rythme avec les sessions partagées de l’après-midi dont les résultats ont été repris dans un World Café assez animé le lendemain matin.

La logique des 24 compétences est, sans surprise, de se conformer aux principes de l’EQF (*), de l’ECTS et de l’ECVET (**), mais en mettant l’accent sur les comportements observables plutôt que sur des postures. Elles sont articulées autour des interactions, des actes professionnels et de l’organisation. Toutefois l’intrapsychique hérité de la psychothérapie, n’est pas ignoré de même que les éléments de la personnalité, les valeurs et les croyances individuelles.

L’applicabilité du référentiel a donné lieu à de vives discussions. Les USA (représentés par Magda) et les associations « de l’Ouest » (EMCC, ICF, AC, APECS et AOCS) souhaitent assez fermement un référentiel uniforme pour le coaching. Par contre, les positions sur le supervision sont variées.

De son côté l’ANSE a une valeur centrale : la diversité, c’est-à-dire qu’elle reconnait le fait que les pays, les professions de l’aide (coach et superviseur en particulier), les associations et les organisations clientes ont des besoins très différents en raison de la culture et de l’environnement politique.

L’idée de l’ANSE est que dans un premier temps chaque pays/entité pourrait puiser dans les 24 compétences pour construire son propre référentiel (D’ailleurs plusieurs grandes entreprises l’ont déjà fait en complétant le référentiel de coaching de l’EMCC ou de l’ICF afin d’y ajouter des compétences sur le leadership et l’organisation).

L’avantage à terme de l’adoption généralisée du référentiel de l’ECVision serait la comparabilité entre les professions, les formations, les spécialités, etc… Il permettrait en particulier de rendre possible la discussion et les accords entre les associations, les organismes de formation privés, les universités et les Pouvoirs Publics.

Tout cela conduit à deux questions que se posent les association de coachs et de superviseurs :

  • Entre « co-régulation » (accord avec les autorités d’un pays), “auto régulation” et régulation par l’Union Européenne, que faut-il choisir ? Les exemples actuels (Italie, Bulgarie, certains états américains) montrent que les Pouvoirs Publics locaux ont tous la tentation de la “co-régulation” c’est à dire avoir un contrôle sur le coaching et la supervision.
  • Pourquoi ne pas faire converger les référentiels ? Erik pour l’AOCS a été clair sur le fait que ce n’était pas son souhait. L’ICF n’a pas encore une stratégie bien établie quoique les faits montrent qu’un mouvement est amorcé. L’EMCC a déjà inscrit dans sa stratégie long terme la convergence avec l’EQF et a commencé à modifier son référentiel et à utiliser la terminologie du glossaire de ECVision (annonce d’un petit pas cette semaine). L’ANSE vise l’harmonisation des référentiels au sein de ses pays afin de pouvoir faire progresser son idée de « carte professionnelle Européenne » pour la supervision.

La stratégie court terme de l’ANSE et de ses partenaires, Eurocadres en particulier (accès à un immense réseau), est la dissémination du référentiel ECVision. Les universités et entreprises représentées ont donné leur support. Les résistances sont cependant nombreuses :

  • Tout d’abord le mécanisme NIH (“Not Invented Here”) qui  est la tendance à ne pas s’intéresser à ce qui vient d’ailleurs. La position de l’AOCS (voir ci-dessus) en est une illustration et tout le monde s’attend à une forte résistance des associations Britanniques de coach et de superviseurs.
  • Ensuite, les enquêtes montrent que les prescripteurs sont en général peu intéressés par les qualités intrinsèques des référentiels de compétences pour le coaching ou la supervision. En outre les différences entre coaching et supervision des coachs sont mal comprises par le marché et même par certains coachs et superviseurs (alors que le sujet est très bien documenté).
  • Les premiers petits pas ne vont pas dans le sens d’une harmonisation. Une anecdote l’illustre : une des différences entre le référentiel de l’ICF et ceux de l’EMCC, l’AC et d’ECVision est la compétence « Engagement de développement personnel », non couverte par le référentiel ICF mais faisant partie du processus de certification. ICF vient récemment de l’introduire dans la nouvelle version de son Code de Déontologie (version juin 2015 – item 28, voir ***). Est-ce la bonne place pour un élément aussi critique ? Pourquoi pas, puisque cet élément fait partie de certains Code de Déontologie (celui des psychologues en France par exemple). Mais, cela n’aide pas la comparabilité entre les référentiels des grandes associations de coachs alors que celles-ci en discutent au sein de GCMA (Global Coaching and Mentoring Alliance qui assemble ICF, EMCC et AC)…
  • Les faits montrent que, devant la complexité de ce marché en pleine évolution, nombre de clients ont renoncé à s’intéresser aux détails des référentiels de compétences et aux accréditations associées. Jusqu’ici les grandes associations de coachs et de superviseurs évoluent prudemment. Les choses changeront sans doute, mais lentement…

(*) L’EQF (European Qualification Framework) est la référence qui permet de comparer les qualifications de chaque activité professionnelle. Chaque branche établit un référentiel de compétences (RdC), qui décrit les activités professionnelles, les fonctions et les processus relatifs à chaque secteur professionnel ainsi que les compétences requises pour l’exercice d’une profession dans ledit secteur. Il devient alors possible d’obtenir la reconnaissance réciproque des diplômes, certifications et accréditations dans toute l’Europe.

(**) L’Agenda de Lisbonne (2000, compétitivité du savoir en Europe) se concrétise par la Déclaration de Bologne – réalisation d’un espace européen des études supérieures – et par le Processus de Copenhague pour la formation professionnelle.
Les deux processus visent la perméabilité, la transparence et la mobilité dans les domaines de la formation. La formation universitaire applique pour cela le système de crédits ECTS (European Credit Transfer System). La formation professionnelle s’appuie sur le système de crédits, l’ECVET (European Credits for Vocational Education and Training) : les compétences définies à l’aide de l’EQF sont dotées de points qui permettent de calculer le niveau de qualification.

(***) Section 5: Continuing Development – As a coach, I: 28. Commit to the need for continued and on-going development of my professional skills