Archives de l’année : 2017


Conférences sur la supervision en février 2017

Il y a eu récemment à deux conférences au sein d’un groupe international de superviseurs en provenance des cinq continents qui s’apportent mutuellement du développement professionnel.

La première était animée par Jackee Holder et traitait des techniques d’écriture réflexive en supervision. Elle a évoqué en particulier un outil nommé « Journal Ladder » créé par Kathleen Adams.
S’agissant d’auto-supervision je n’ai pas complètement accroché à cette approche. J’ai en effet la croyance, peut-être limitante, qu’un superviseur autre que soi est préférable (difficile de faire son lit sans en sortir…).
Toutefois, c’est une technique de supervision de plus qui s’ajoute à la centaine déjà identifiée.

La seconde était animée par Tatiana Bachkirova, professeur et co-directrice du Centre international pour le coaching et le mentoring à Oxford Brookes University, Royaume-Uni. Elle est professeur de psychologie des coachs et enseignante dans le doctorat de coaching. C’est elle la présidente du colloque international annuel sur la supervision des coachs. Elle dirige aussi le programme d’Oxford Brookes sur la supervision des coachs.

La conférence portait sur le rôle et l’impact des superviseurs dans le processus de développement des coachs. Il s’agissait de déceler les interactions entre les trois fonctions de la supervision : Développement, Qualité et Soutien.

Tout d’abord, les fonctions Qualité (Favoriser des pratiques professionnelles de qualité conformes aux normes et à la déontologie) et Soutien ont des objectifs court-terme tandis que le Développement porte plutôt sur le moyen et long terme.
Pour sa part la Qualité est une fonction aux contours incertains et qui très subjective : qui peut dire qu’une session a été bonne ? le superviseur, le supervisé, l’école qui a formé le supervisé, le client, l’association ? Une recherche menée par Adian Myers (2014) montre que ces positions différentes ne peuvent pas toujours être réconciliées.
Une autre limite de la fonction Qualité est que n’est discuté que ce que le supervisé apporte et veut discuter.

En dernier lieu, et c’est un point clé, ce que ne peuvent résoudre immédiatement les fonctions Qualité et Soutien de la supervision devient assez naturellement un thème pour la fonction Développement.
Le plan de développement se trouve alors rapidement encombré de toutes sortes de scories : confiance en soi, créativité, dimension spirituelle ou émotionnelle, sens du collectif et de l’organisationnel, etc… bref, les arbres peuvent cacher une forêt dans laquelle les théoriciens se perdent.

C’est pourquoi Tatiana balaye la table d’un revers de main pour faire place nette : elle recommande une approche de la fonction Développement qui serait radicalement différente et essentiellement centrée sur la Conscience de Soi (tiens tiens… c’est justement la compétence 1 du coach dans le référentiel EMCC). Elle utilise pour cela la théorie développementale qui vise l’atteinte d’un Soi professionnel très mature.

Tatiana a cette habitude de prendre soudain du recul lorsqu’un sujet lui semble être devenu trop touffu. Sa conférence sur le modernisme et le postmodernisme dans le coaching à Ashridge le 27 juin 2014 avait d’ailleurs fait quelques vagues.
C’est très rafraichissant et a pour vertu de redémarrer la machine à se poser des questions.


La supervision de la supervision

La plupart des associations de coachs et/ou superviseurs demandent aux superviseurs d’être eux-mêmes supervisés ou intervisés. Cependant, ils n’existent que très peu de publications sur les questions que cela soulève et sur les techniques nouvelles que cela pourrait nécessiter.

Mais voici que cela change puisqu’un groupe de réflexion international d’une quinzaine de personnes a tenu en octobre 2016 (voir l’annonce du 15 octobre) une réunion pour échanger les points de vue sur ce sujet. En fin de réunion il avait été décidé de créer un groupe de travail. Celui-ci vient de se réunir pour la première fois.

Lors du groupe de réflexion en octobre tous les participants, Anglo-Saxons pour la plupart, étaient superviseurs de superviseur et consacrent de 20 à 70% de leur temps à cette activité. Tous leurs clients supervisent non seulement des coachs mais également des psychothérapeutes, des médiateurs et d’autres professions de l’accompagnement. La réunion a été centrée sur la supervision des superviseurs de coachs et a débouché sur les conclusions suivantes :

– Elle est indispensable car « il difficile de faire son lit sans en sortir » pour le superviseur comme pour tout autre accompagnant.
– Les processus possibles sont variés. Toutefois les processus délégatifs sont les plus pratiqués ainsi que l’intervision régulée.
– Au niveau des contenus la fonction « support » (resourcing) devient quasi inexistante.
– La fonction « développement » demeure mais avec des objectifs très ambitieux.
– La fonction « qualité » demeure aussi avec une orientation plus résolument systémique.
– Des outils spécifiques et novateurs commencent à émerger.

Le groupe de travail réuni récemment est entré « dans le dur » et, en particulier, les discussions ont examiné plus en détail la fonction « développement » en supervision de superviseur.

Celle-ci est bien sûr fort différente que celle déployée en supervision de coachs.

Les préoccupations de ceux-ci sont en effet d’aller vers une accréditation ou de devenir une autre sorte de coach (coach d’équipe par exemple) ou d’acquérir de nouvelles capacités de coach, ou encore de développer leur identité de coach.

De leur côté, les superviseurs cherchent à développer leur capacité réflexive personnelle et auprès des coachs, à améliorer la capacité à penser de façon éthique et toutes ses autres capacités décrites par Hawkins & Shohet (2006) qui le distinguent du coach.

En outre, et c’est un point que soulignait récemment Tatiana Bachkirova dans une conférence sur la fonction « développement » en supervision (voir annonce du 4 février), cette fonction ne doit pas seulement être le réceptacle de ce qui ne peut être résolu dans les deux autres fonctions.

Il y a donc lieu de définir plus précisément sur quoi le développement des superviseurs doit porter et la Conscience de Soi vient naturellement en premier.

Les autres axes de réflexion, nombreux, ont été listés et un plan d’action a été défini. En particulier il a été décidé d’inclure l’ANSE et les superviseurs américains dans la réflexion.

Cette fois c’est parti !!


La supervision en Chine, suite

Bonjour,

Suite à mon annonce du 6 janvier, intitulée : « Information : la supervision en Chine, quelques éléments » j’ai eu de nombreuses questions sur ce qu’est la Théorie de l’Esprit et sur mon hypothèse qui était formulée ainsi :

« Mon hypothèse, à vérifier, est que les Chinois utilisent plus la Théorie de l’Esprit (Baron-Cohen, 1985) que l’empathie dans le coaching et la supervision. Ceci serait en lien avec une orientation culturelle plus collective (Hofstede, 1991) et avec les recherches récentes de Woolley (2010) et Engel (2014) sur l’intelligence collective. Ces dernières mettent en effet en évidence le rôle particulier de l’intelligence relationnelle dans l’intelligence collective. »

Il est vrai que les formations de coachs ne font pas grand cas de la Théorie de l’Esprit, la notion d’empathie y étant souvent survalorisée. Sa définition est la suivante : « La théorie de l’Esprit est une capacité qui fait référence au processus permettant d’adopter le point de vue d’autrui sans confusion avec soi-même. Elle permet de comprendre et prédire les comportements des autres, de distinguer réalité et apparence (faux self) et de choisir l’interaction sociale la plus appropriée ».

L’empathie est de son côté définie comme : « L’empathie est la capacité à ressentir et à comprendre ce que ressent autrui sans confusion avec soi-même ».

Les deux sont en nous mais pas dans la même proportion pour chacun d’entre nous. Certains d’entre nous sont plus « empathiques ». Egalement, les zones du cerveau qui sont mobilisées sont différentes : Cortex préfrontal médian, pôles temporaux, sulcus temporal supérieur et jonction temporo-pariétale pour la théorie de l’esprit, tandis que l’empathie mobilise le cortex cingulaire antérieur, l’insula antérieure et le cortex somatosensoriel secondaire.

 

Mais revenons aux Chinois. Afin d’éclairer l’hypothèse je me suis penché sur la littérature scientifique existante. Une recherche du Docteur Jiening Ruan sur trois populations d’enfants (monolingue Chinois, monolingue Anglais et bilingues Chinois-Anglais) fait ressortir que les bilingues sont beaucoup plus performants que les monolingues en termes d’utilisation de leur Théorie de l’Esprit.

Il n’est donc pas étonnant que m’adressant en Anglais à des superviseurs Chinois bilingues (ils le sont tous, je crois) j’ai pu ressentir qu’ils mobilisaient plus leur Théorie de l’Esprit.

Le lien avec une orientation culturelle plus collective participe sans doute au phénomène. Dans quelle proportion ? je n’en sais rien car je n’ai trouvé aucune référence sur le sujet.

J’espère que ceci répond à vos questionnements.

Belle journée à tous

Michel Moral


La supervision en Chine, quelques éléments

Bonjour,

Un récent séjour en Chine a été l’occasion de rencontrer plusieurs superviseurs Chinois et de commencer à examiner comment est pratiquée la supervision des coachs dans ce pays.

La supervision est peu connue en chine. CSA et Bath, deux écoles anglaises ayant toutes les deux le label ESQA de l’EMCC, ont formé en tout une trentaine de superviseurs de coachs en Chine et à Singapour. Par ailleurs, le livre de référence de Peter Hawkins a été traduit en chinois et connais un certain succès. Enfin David Clutterbuck (EMCC Ambassador) et inventeur du processus « 7 conversations » en supervision des coachs hante les colloques de coachs en Asie.

Il apparait clairement des différences flagrantes tenant au fait que la supervision en Asie n’a pas pour racines celle des psychanalystes et des psychothérapeutes comme ici. En Chine ce serait plutôt la Médecine Traditionnelle Chinoise et le Confucianisme qui sont évoqués en arrière-plan de la pratique.

Le fait que les superviseurs soient marqués par leur culture n’est pas une surprise et a d’ailleurs fait l’objet d’un article de Karyn Prentice (2014) qui a analysé les différences entre les stagiaires de CSA de différentes nationalités.

A ce sujet, l’an dernier, Lors du colloque international sur la supervision à Oxford Brookes, Jackie Arnold (CSA) a expliqué ses difficultés à former des superviseurs Chinois. Ses stagiaires la trouvaient un peu « sous développée  » dans les champs de l’interpersonnel et du systémique, et un peu compliquée dans celui de l’intrapersonnel (En Asie Psyché et Soma ne sont pas différentiés comme dans le monde Judéo-Chrétien, ce sont des cultures monistes et non dualistes. L’intrapsychique est donc une notion mystérieuse pour les asiatiques. C’est la raison pour laquelle l’EMCC, dans les guidelines, a préféré « intrapersonnel », plus général que « intrapsychique » qui est connoté « psychodynamique »).

Mon hypothèse, à vérifier, est que les Chinois utilisent plus la Théorie de l’Esprit (Baron-Cohen, 1985) que l’empathie dans le coaching et la supervision. Ceci serait en lien avec une orientation culturelle plus collective (Hofstede, 1991) et avec les recherches récentes de Woolley (2010) et Engel (2014) sur l’intelligence collective. Ces dernières mettent en effet en évidence le rôle particulier de l’intelligence relationnelle dans l’intelligence collective.

On peut noter d’autres différences importantes en supervision entre Chinois et Français que les interculturalistes et anthropologues (en particulier Harro von Senger, 2001) ont étudié. En particulier la prévalence du sentiment de honte (issu du conflit entre Moi et Idéal du Moi pour nous) par rapport au sentiment de culpabilité (issu du conflit entre Surmoi et Moi pour nous). Par ailleurs, Michael Bond (2010) a vraiment bien documenté la dominance de la Vertu par rapport à la Vérité qui est notre obsession d’occidental.

Dans la pratique de la supervision des superviseurs avec qui j’ai parlé, la fonction « développement » correspond bien à la philosophie asiatique et prend une grande place. Dans la fonction « Support » il y a probablement plus de contrôle que de soutien car la culture est plus hiérarchique, mais c’est à vérifier. Enfin, pour ce qui concerne la fonction « favoriser les pratiques professionnelles », le plus grand soin y est mis car le professionnalisme est une grande vertu en Chine.

En dernier lieu, le coaching et son environnement en Asie sont fortement marqué par la façon de voir d’ICF qui a longtemps poussé le « mentor coaching » plutôt que la supervision. Celui-ci ne retient que la partie « développement » de la supervision et cela au service du chemin vers l’accréditation (« certification » dans le vocabulaire ICF). Mais les choses changent car, par exemple, Magda Mook (Directrice des Opérations ICF) a vivement poussé la supervision lors du colloque ICF de l’Australasie en octobre à Sydney.

Nous aurons l’occasion de pousser beaucoup plus loin cette investigation lors du colloque de l’APAC (Asia Pacific Alliance of Coaches) à Bangkok en mai.

Je pense en effet que nous avons beaucoup à apprendre là-bas, en termes de posture, de techniques et de méthodes. Il faudra pour cela entrer dans un monde intérieur différent et le comprendre à défaut de le sentir vraiment. Beaucoup d’humilité à développer donc.
Bonne journée
Michel Moral
Coach (EIA Master), superviseur (ESIA) et formateur de superviseurs (ESQA).
Formateur CTT 1&2 (Cultural Transformation Tools)