Supervision des coachs : la Conscience de Soi du superviseur


Bonjour,

J’ai eu récemment une question sur la place de l’inconscient dans mon activité de superviseur.

Après huit ans d’analyse j’ai bien sûr une opinion. Elle est que dans l’activité de supervision de coachs il convient, si possible, de largement dépasser la notion d’inconscient.

La Conscience de Soi est en effet une des compétences clé que doit maîtriser un superviseur afin de permettre au coach de développer la sienne, quelles que soient ses références théoriques.

Il s’agit d’une notion centrale du coaching et de la supervision que toutes les fédérations internationales considèrent comme telle. Par exemple, l’EMCC propose la formulation suivante :

« Le coach construit sa conscience de soi sur un ensemble de modèles théoriques et d’opinions structurées provenant de sources externes ainsi que sur une réflexion rigoureuse sur son expérience et sa pratique. Il doit être en mesure de justifier point par point ses décisions au cours de sa pratique. ».

Pour le superviseur de coach, cette exigence va plus loin pour couvrir un spectre aussi large que possible de modèles théoriques et de finesse clinique.

Les MODELES

Quels sont les modèles dont nous disposons ?

La Psychodynamique tout d’abord qui nous fournit un ensemble de concepts issus de la première et deuxième topique, relatifs aux rapports entre conscient et inconscient. Au niveau opérationnel, le concept de défense du Moi permet d’établir un lien entre comportements, émotions, ressentis et processus inconscients. La projection, l’identification et l’identification projective sont des exemples de défenses du Moi.

La notion de transfert est essentielle et dépasse le seul modèle psychodynamique.

Le Cognitivisme et les Neurosciences nous fournissent les concepts relatifs aux rapports entre processus automatiques et processus contrôlés. Des ensembles neuronaux, du câblage en fait, sont porteurs de mécanismes plus ou moins adaptés, comme les biais cognitifs, les schémas précoces inadaptés et le coping (réponse à un stresseur). Ces mécanismes vont déboucher sur des émotions, des ressentis et des comportements.

La Psychologie Sociale nous fournit des modèles relatifs à l’identité et à la culture (pays, métier, entreprise…). Des comportements, cognitions et émotions sont spécifiques de la rencontre interculturelle.

Le reflet systémique est une notion transversale qui serait similaire à un transfert du présent dans le présent. Il porte différents noms selon le modèle qui en parle : processus parallèle, processus de reflet, processus de groupe, isomorphisme, etc…

La physiologie nous apporte la notion d’émotion (8 aux dernières nouvelles) et de réaction corporelle (rythme cardiaque, etc..), l‘énergie émise ou perçue, etc… .

Etc… etc… Il y a encore bien d’autres notions car ce qui se passe en nous est formé de nos mécanismes internes mais aussi de nos réponses aux mécanismes interpersonnels ou systémiques en situation de supervision avec un ou plusieurs coachs. Dans une vision holistique c’est tout notre être qui vibre.

La FINESSE CLINIQUE

Afin de détecter tous ces mécanismes la réflexion consciente est trop lente en situation et l’intuition est incertaine.

Ce sont nos émotions et ressentis qui vont nous renseigner en moins d’une milliseconde, à condition toutefois que nous ayons pris soin d’établir une correspondance entre ces émotions et ressentis et les mécanismes décrits par les différents modèles.

Par exemple, ce soudain sentiment d’étrangeté, si particulier, correspond à quoi pour moi ? Eh bien c’est mon détecteur interne de l’Identification projective ou du reflet systémique..  Et cette irritation à la « saveur » si particulière ou bien cet ennui passager sont le signe de quoi pour moi ? Etc…

Si ce calibrage est bien fait, ce qui est un véritable apprentissage, alors les émotions et ressentis, même très négatifs, deviennent des signaux qui alimentent en permanence notre tableau de bord meta. L’ennui n’est plus de l’ennui mais une donnée, un indice.

Cet apprentissage ne se fait pas en un jour mais c’est un axe de développement tout à fait passionnant. Un vrai travail de superviseur !

Bonne journée


A propos de Michel Moral

Michel Moral a été dirigeant au sein d’entités internationales chez IBM. Il a vécu plusieurs années aux USA, en Allemagne et en Autriche. Ingénieur de formation (Centrale Paris) il est aussi docteur en Psychologie. Il est passionné par la question de l’efficacité d’une équipe dirigeante et par celle de l’intelligence collective. Enseignant à Paris VIII, à l’Université de Cergy-Pontoise et au CRC d’HEC, il coache des dirigeants, des équipes dirigeantes et supervise des coachs et peut intervenir en Français et en Anglais.