Archives du mois : octobre 2017


Supervision et intervision entre coachs : le modèle Hollandais

Bonjour,

Chaque pays en Europe reconnait la supervision comme indispensable pour les coachs mais chacun a une préférence pour la façon de la déployer. Les Anglais penchent plutôt vers la supervision individuelle, les Français vers la supervision collective et les Hollandais ont une nette préférence pour l’intervision, aussi nommée supervision entre pairs.

A noter que la Hollande est le pays où il y a le plus de coachs par habitant en Europe, loin devant la Grande Bretagne.

Chaque fédération de coachs et superviseurs apporte sa touche. En Hollande les deux plus grandes fédérations, avec près de 2000 membres chacune, sont l’EMCC (Nobco) et LVSC qui est membre de l’ANSE. Cette dernière est une fédération de superviseurs, pour tous métiers de l’accompagnement, qui accueille de plus en plus de coachs. Chacune a son modèle d’intervision.

Un modèle d’intervision assez répandu en Hollande se présente sous deux formes :

– Les membres du groupe sont volontaires et sur une base égalitaire. Il n’y a pas de leader permanent mais un membre différent prend le lead à chaque session.

– Les membres du groupe sont volontaires et sur une base égalitaire. Ils se supervisent entre eux mais sont accompagnés par un superviseur qui est dans un rôle « technique ».

A noter que la culture de la Hollande est fortement égalitaire. Un ministre fait la queue comme tout le monde dans un magasin.

Un certain nombre de règles et recommandations ont été définies et sont généralement acceptées, formalisées et appliquées pour ces formes d’intervision :

– Les niveaux de développement des membres du groupe sont si possible équivalents et de préférence assez élevés, c’est-à-dire des coachs qui ont une accréditation de leur fédération.

– La taille jugé optimale est 5 ou 6 membres.

– Le groupe se réunit toutes les six semaines environ sur la base d’un planning précis.

– Un contrat est établi. Il prévoit les éléments de planning, de lieu, les méthodes utilisées, les leaders, les livrables, les règles de confidentialité, le code de déontologie utilisé, les règles de ponctualité et d’assiduité, etc.. Le contrat est signé par tous les membres.

– Les attentes et résultats font l’objet d’un compte rendu. Celui-ci est enrichi des commentaires des participants.

– A chaque session un leader et un scribe sont nommés.

On peut noter que ces règles sont plus formelles que relationnelles. Tout ceci peut donc sembler rigide, mais un autre trait culturel est que les Hollandais préfèrent ne pas avoir à improviser, donc savoir à l’avance comment les choses vont se passer.

De pays en pays la supervision des coachs apparaît comme différente. Tout cela est passionnant.

Bonne journée


Le développement professionnel continu des superviseurs de coachs

Bonjour,

Comme pour toute profession de l’accompagnement (coach, psychologue, etc…) le superviseur doit organiser et mettre en œuvre son Développement Professionnel Continu de superviseur.

Cette obligation est inscrite dans les référentiels de compétences de superviseur des fédérations qui ont pour membres des superviseurs de coachs et qui ont bâti une identité d’association de superviseurs de coachs.

Ainsi, au niveau international, l’EMCC, l’Association for Coaching, et l’ANSE ont de tels référentiels distincts du référentiel de compétences du coaching et on trouvera en fin de cet article deux exemples de formulation relative au Développement Professionnel Continu de superviseur de coach.

Quels sont les composants attendus du Développement Professionnel Continu ? Les fédérations ont donné les indications suivantes :

– Acquisition d’un savoir structuré, par des formations.

– Approfondissement des compétences, par une réflexion sur la pratique et la supervision

– Réflexion accompagnée (colloques, supervision, intervision) ou non

– Création de savoir par la recherche sur la supervision

– Consolidation et transmission du savoir en publiant des articles ou des livres sur la supervision.

– Invention d’outils nouveaux pour la pratique de supervision.

Les moyens disponibles pour mettre en œuvre un plan de Développement Professionnel Continu de superviseur sont limités :

En dehors des formations initiales il n’existe que peu de formations dédiées à la supervision en France. Cependant les superviseurs peuvent tirer bénéfice de formations sur la psychopathologie ou sur les champs théoriques qui sont aux frontières externes du coaching, comme celles sur les Schémas Précoces Inadaptés.

Il s’est créé début 2016 un groupe international de superviseurs dont l’objectif est de faciliter l’échange du savoir entre membres. Ce groupe à accès restreint comprend maintenant 120 membres des cinq continents. Des webinars sont organisés mensuellement.

Les colloques sont rares. Il y a celui organisé par l’Université Oxford Brookes depuis 2011 qui a eu une apogée en 2014 lorsqu’il a eu lieu à Ashridge (voir photo). L’Université d’été de l’ANSE a lieu tous les deux ans ainsi que les colloques sur la recherche sur la supervision. Enfin, à partir de 2018 les colloques de l’EMCC incluront la supervision à côté du coaching et du mentoring.

La recherche, l’écriture et l’invention d’outils sont bien sûr à l’initiative de chacun. Les fédérations (EMCC, AC et ANSE) cherchent à organiser ces efforts en créant des groupes de travail et en publiant les résultats des travaux.

La profession s’organise donc pour satisfaire la demande qui va croissant.

Bonne journée

Michel Moral – Formateur de superviseurs de coachs

 

L’EMCC a un référentiel de 6 compétences de superviseur de coach ( voir http://www.emccfrance.org/supervision-coachs-france/ ) . La troisième (Promotion des normes professionnelles) comprend trois sections dont celle ci-dessous :

3.c – Réflexion sur la pratique de supervision

i.        S’engage dans un processus régulier de réflexion sur sa pratique.

ii.       Demande un feedback sur son activité de supervision et en tire les enseignements utiles.

iii.      Met en œuvre un processus de développement professionnel continu de sa pratique de superviseur.

iv.     Fait superviser sa propre pratique de supervision.

v.       Développe sa propre approche personnelle de la supervision.

 

 

L’ANSE a un référentiel de 24 compétences pour les coachs et/ou les superviseurs qui a été élaboré à la demande de l’Union Européenne. Ce référentiel est conforme à l’EQF (European Qualification Framework, qui inspire le RNCP) et comprend, pour chaque compétence, le savoir, les aptitudes et les comportements nécessaires (voir

http://www.anse.at/tl_files/ecvision/dokuments/ECVision_Competence_Framework033015.pdf

.

Ci-dessous, par exemple, la partie « aptitudes » de la compétence 5 (Volonté de développement professionnel continu) :

·  Capacité à communiquer avec les communautés professionnelles.

·  Collecte d’informations sur l’efficacité de sa pratique.

·  Utilisation des connaissances personnelles, théoriques et tacites pour évaluer et améliorer sa pratique

·  Examen des différentes idées et perspectives.

·  Reconnaissance des signaux personnels de stress dès leur apparition.

·  Mise au point de stratégies de gestion de son propre stress.

·  Application d’un processus structuré pour identifier ses besoins personnels et savoir les gérer.


Supervision collective des coachs internes : gérer les situations difficiles

Bonjour,

En France, pour les coachs internes, la supervision collective devient le mode le plus répandu, avec des possibilités de supervision individuelle pour les situations qui le nécessitent.

Le superviseur en charge de telles supervisions collectives se trouve en présence de groupes qui ont un fonctionnement différent des groupes de coachs externes.

Des observations et recherches menées par Harriet Hattwood & Rebecca Peirce (2017), Michel Moral & al. (2017), Katharine St John-Brooks (2013), David Clutterbuck &al. (2013), Humphrey & Sheppard (2012), Lise Macann (2012), Alison Maxwell (2011) et d’autres concluent que :

–  Les coachs internes ont en général une bonne compréhension du fonctionnement de l’organisation, de sa finalité, des objectifs, de la vision s’il y en a une, de la mission, de la stratégie et de ce qui a été explicité de la culture d’entreprise.

– Pour la partie implicite de la culture d’entreprise, le niveau de conscience et de compréhension est très variable. La culture d’entreprise est en effet un objet complexe. Elle est en général comprise lorsqu’elle est très organisationnelle (beaucoup de processus), ou très relationnelle (valorisation de l’humain) ou repose essentiellement sur les capacités individuelles (énergie, initiative…). Une compréhension plus fine, comme par exemple celle des 7 niveaux de conscience de CTT, est beaucoup plus rare.

– Une partie des coachs internes l’est à plein temps mais la majorité occupe une autre fonction. Cela pose deux questions : celle de la capacité à basculer d’une identité professionnelle à l’autre dans un même environnement, et celle de l’image projetée de la double identité lors du coaching.

– Le Développement Professionnel Continu peut être à la fois plus riche, lorsque l’organisation le promeut avec des moyens, et plus restreint si l’organisation a des exigences sur l’orientation ou le contenu.

– Le mode d’attribution des coachings repose sur d’autres mécanismes que pour les coachs externes.

Effets de groupe

En groupe lors d’une supervision collective ces différences vont se retrouver avec en plus la coloration apportée par le collectif :

– La culture de l’organisation se retrouve bien sûr dans le groupe. Elle peut être combinée avec celle de la « tribu » des coachs lorsqu’il existe une telle « tribu ». Il est souvent attendu du superviseur qu’il partage la culture, mais est-ce la meilleure chose pour le groupe et l’organisation ? Grande question.

– La dualité fonctionnelle peut parfois déterminer le fonctionnement du groupe selon l’identité professionnelle dominante. Par exemple, il arrive que la hiérarchie de l’organisation soit exactement répliquée dans le groupe de coachs et que la parole des uns pèse donc plus que celle des autres.

– On sait que Reflet Systémique (Processus Parallèle) est fortement amplifié dans les groupes de coachs internes. S’il y a du non-dit dans le système, il y en aura en supervision collective. Ce peut être ou non un atout pour le superviseur et donc pour le groupe.

– La question de la confidentialité, exprimée ou non, est presque toujours centrale.

– Les autres mécanismes collectifs (transferts, projections, résistances, conflits…) sont à peu près les mêmes que dans les autres groupes. Cependant, selon le processus de recrutement du superviseur certains de ces mécanismes peuvent se trouver amplifiés. Par exemple si le superviseur est imposé au groupe, il pourra être un bouc émissaire idéal.

Recommandations pour le superviseur

Le superviseur doit prendre en compte ces caractéristiques et veiller à :

– Avoir une compréhension systémique affutée, en particulier savoir « lire » la culture de l’organisation, détecter les reflets systémiques et savoir identifier les signaux faibles annonciateurs de mécanismes projectifs.

– Acquérir et manier avec aisance les outils appropriés.

– Exercer une vigilance sur les aspects relatifs au stress, à la surcharge… afin d’apporter le Soutien nécessaire au bon moment.

– Etre attentif aux objectifs de Développement Professionnel de chacun des coachs pour l’inclure dans le contrat multipartite.

– Etablir avec soin le contrat multipartite et mettre en place le cadre approprié.

En cas de difficulté, le superviseur doit savoir identifier sans concession sa propre responsabilité et il existe des grilles de lecture pour cela.

Mais, et c’est là le point clef, il doit être producteur d’hypothèses quant à l’existence de mécanismes cachés propres au groupe ou à l’organisation.

Par exemple, en cas de forte résistance le superviseur peut se demander s’il a bien créé l’alliance, si le cadre est correctement établi ou s’il a commis des erreurs techniques graves. Mais il peut aussi émettre pour lui-même des hypothèses sur des conflits internes explicites ou non, des secrets, des non-dits, de vieilles histoires ou des deuils interminables qui seraient à l’origine des malaises au sein du groupe. Mettre au jour et traiter de tels phénomènes est, selon les cas, dans ou hors de son champ de responsabilité.  

Les études évoquées plus haut vont évidemment à un beaucoup plus grand niveau de détail : le sujet est d’importance compte tenu des évolutions du marché du coaching.

Belle journée


Supervision collective des coachs : la question des outils

Bonjour,

L’article du 1ier octobre a suscité quelques questions à propos des « 100 processus différents dont certains très créatifs » en supervision collective des coachs.

Quoique surprenant au premier abord, ce chiffre est très sous-estimé : il provient d’une liste que nous avions établie en examinant les interventions dans les colloques de superviseurs en Europe depuis 2011. Il en ressort que les superviseurs adorent inventer de nouveaux outils de supervision collective et les écoles de superviseurs étrangères ont chacune des catalogues de 40, 50, 60… outils. Donc nous sommes certainement bien au-delà de 100.

Par ailleurs, quelques principes simples permettent de facilement en inventer de nouveaux.

La quantité n’est donc pas au cœur de la question. De notre point de vue, ce qui est important est l’adéquation entre la demande et le processus choisi en prenant en compte le profil du groupe et la dynamique de la session. Le demandeur doit être satisfait mais le groupe aussi.

Disons pour simplifier qu’il y a des groupes « cerveau gauche » ou « cerveau droit » ou bien « cortical » ou « limbique » (voir Hermann, 1978). Egalement, il existe des demandes typiques comme l’analyse d’un dilemme éthique, le rapport à l’argent ou la relation coach-client.

Ainsi pour l’analyse d’un dilemme éthique les approches sont nombreuses : le pour et contre, les valeurs des acteurs du système avec CTT (Cultural Transformation Tools), les risques et bénéfices, les responsabilités et compétences (Corrie & Lane, 2015), le « Practicum » (Hawkins & Smith, 2010), le « Luopan » (Lamy & Moral, 2015), le stretching « responsabilité-conviction » (Lamy & Moral, 2017), une constellation (Motto, 2015), etc…

Selon la demande et le profil du groupe ainsi que son expérience il reste à choisir le processus qui permettra à la fois de satisfaire la demande et de maximiser l’intelligence collective pour le plaisir de tous.

C’est cette réflexion que nous menons depuis plusieurs années avec Florence Lamy et nous avons déjà publié sur le sujet. L’idée poursuivie n’est pas d’établir des correspondances « standard » entre demandes et processus mais de concevoir des heuristiques que le ou les superviseurs peuvent utiliser.

Bonne journée à tous.


Supervision des coachs : tendances

Bonjour

Le coaching évolue très vite, la supervision des coachs le suit et même le dépasse.

Si l’on prend du recul pour regarder ce marché, qu’observons-nous depuis, disons, 10 ans ?

En 2007 le coaching se pratiquait encore en utilisant un petit nombre de modèles (AT, PNL, Gestalt, systémie), le coaching d’équipe commençait à s’établir et le coaching d’organisation émergeait. Il n’y avait que peu de coachs internes.

A cette époque il n’y avait que trois livres sur le coaching d’équipe en Français (Devillard, Cardon, Giffard & Moral) et un en Anglais (Hackman & Wageman). Côté coaching d’organisation il n’y avait que l’ouvrage de Hawkins & Smith. Celui de Moral & Henrichfreise ne paraitra qu’en 2008.

Le premier ouvrage sur la supervision des coach (Hawkins & Shohet) est paru en 2006. L’enquête faite à cette époque par le CIPD montrait que si 86% des coachs croyaient que la supervision était indispensable, seulement 44% des externes et 23% des internes en bénéficiaient.

En 2017 le nombre de modèles pour coacher a littéralement explosé. Le coaching interne, quant à lui, a cru très fortement.

De son côté la supervision des coachs est maintenant bien établie avec des formations, des accréditations et un fort pourcentage de participation (80% en 2014). La supervision interne commence à exister et amène beaucoup de questions non résolues à ce jour. En France, entre 150 et 200 superviseurs de coachs ont été formés.

En termes de techniques, la supervision collective des coachs semble prendre le pas sur la supervision individuelle. Plus vivante et variée, avec actuellement plus de 100 processus différents dont certains très créatifs, elle présente aussi l’avantage de pouvoir mettre à profit l’intelligence collective du groupe. Avec une posture du superviseur en co-construction, nous sommes bien loin maintenant des processus utilisés dans la supervision des psychologues et psychothérapeutes.

En France et ailleurs une tendance se dessine qui répond à la question suivante : « Pourquoi ne pas appliquer les principes et techniques de la supervision collective des coachs à des populations d’accompagnants comme les RH, les managers ou même les dirigeants ? ».

Il existe en effet plusieurs dispositifs d’analyse de pratiques, ou de soutien, ou de développement ou encore de recherche de sens qui suscitent une forte demande et qui utilisent chacun des techniques communes avec la supervision.

La supervision a l’ambition et les techniques pour traiter l’ensemble de ces demandes. Depuis trois ans les expérimentations se sont multipliées et un corpus de méthodes adaptées à ces populations est désormais disponible. Des voies nouvelles s’ouvrent devant nous et nous verrons comment elles se développent.

Bonne journée