Archives du mois : mars 2017


Les neurosciences en supervision

Bonjour,

Il y a eu récemment deux téléconférences internationales sur la supervision des coachs, l’une portait sur la recherche en éthique et déontologie (intéressante mais aride) et l’autre sur les neurosciences en supervision. C’est cette dernière, délivrée par le professeur Paul Brown le 9 mars, que je vais commenter.

La question qu’il pose porte sur les métiers de coach et de superviseur et s’appuie sur une métaphore historique : en Grande Bretagne, jusqu’en 1541, coiffure et chirurgie étaient effectuées par les barbiers. C’est à cette date que fut régulée cette activité avec la Charte de la Compagnie des Barbiers-Chirurgiens. Cette compagnie ne fut dissoute qu’en 1745, les barbiers se chargeant alors uniquement de l’esthétique et les chirurgiens de la réparation par la chirurgie. Pour cela les chirurgiens durent aller au-delà des simples techniques et étudier le fonctionnement intime du corps humain.

Brown pense que le coaching est face à une décision stratégique similaire car pour l’instant les coachs ne savent pas ce qui se passe réellement dans leur cerveau ni dans celui du coaché lorsqu’ils font ce qu’ils font. En effet, aucun des modèles et théories psychologiques ne s’appuie sur une réalité neurologique. Qui donc a observé avec un microscope électronique l’activation du Surmoi ou l’apparition de la honte ?

En d’autres termes, le coaching et la supervision doivent-ils évoluer pour devenir des « knowledge based professions » ?

Sa réponse s’appuie sur les dernières découvertes sur le fonctionnement du cerveau : les 8 émotions et le fait que la confiance, qui conduit à l’attachement (voir Bowlby, 1978), est l’huile permettant aux diverses fonctions du cerveau de fonctionner sans friction (souffrance). La confiance est en outre la base pour la construction de notre système de valeurs.

La difficulté épistémologique pour aller plus loin provient du fait que dans toutes les sciences, mais surtout dans les sciences humaines, le principe d’incertitude de Heisenberg (1927) s’applique : la mesure trouble le mesuré. Mais, le niveau de savoir que nous avons permet déjà de comprendre ce qui se passe en nous et dans le cerveau du client. Nous sommes donc à même d’échapper aux patterns et de permettre à notre client d’échapper lui aussi a ses patterns.

C’est la base de l’enseignement du coaching et de la supervision de Paul qui rencontre un succès significatif sur les 5 continents.

Au cours de la discussion qui a suivi la présentation de Paul, plusieurs superviseurs, dont en particulier Peter Hawkins, ont vigoureusement contesté à plusieurs niveaux :
– tout d’abord, tout comme le coaching, la supervision n’intègre pas seulement la dimension intrapersonnelle mais aussi les dimensions interpersonnelles, systémiques et culturelles (au sens large).
– en second lieu la supervision ne se cantonne pas seulement au champ émotionnel mais va également dans le champ mental ou instinctif et même dans des champs « plus élévés ».
– enfin, la discussion a été intense sur le sujet de la méthodologie scientifique. Les deux conceptions classiques quant à l’étude des phénomènes complexes se sont opposées.

Cette conférence était de très haute tenue avec des arguments puissants de part et d’autre. Il faut dire que dans ce groupe de superviseurs internationaux « il n’y a que du muscle » et les discussions y sont toujours très stimulantes.

En dernier lieu, profitant de cette opportunité, voici les nouvelles sur l’article du groupe de travail de l’EMCC France auquel je faisais allusion dans mon annonce précédente (sur l’organisation de la supervision dans les environnements à « Culture Coaching forte) : il a eu un succès mondial puisque nous recevons des félicitations et des demandes depuis les USA, l’Asie, la Turquie, la Grande Bretagne, l’Australie, etc… Un champ nouveau de réflexion, études et recherches s’ouvre donc.

Belle journée

Michel Moral
Formateur de superviseurs de coachs


Supervision : nouvelles du colloque EMCC à Edimbourg

Bonjour,

Quelques nouvelles du colloque international de l’EMCC à Edimbourg qui a eu lieu du 1ier au 3 mars 2017.

Vu sous l’angle de la supervision ce fut un excellent cru.

Tout d’abord les participants : Venus de 25 pays 300 coachs, superviseurs, clients et représentants d’autres associations étaient présents. Parmi les plus connus :

– Sijtze de Roos, Président de l’ANSE qui compte 9000 membres, superviseurs et coachs, en Europe de l’Est principalement. Il était invité avec Agnes Turner de son Board au titre de l’accord de juillet 2016 entre l’EMCC et L’ANSE.

– Damian Goldvarg, ancien Président de l’ICF et formateur de superviseurs (ESQA), venu de Los Angeles. Il est le premier Américain à avoir obtenu l’accréditation de superviseur ESIA et il forme des superviseurs dans une école ESQA aux USA.

– Et puis quelques figures connues du monde de la supervision Anglo-Saxon comme Edna Murdoch (avec bien sûr Elaine, Karyn, Alison, Miriam, etc…), Eve Turner, Sarah Gilbert, etc…

Il y a aussi ceux ou celles qui participent habituellement à ce colloque et qui n’étaient pas là, comme par exemple Magda Mook, Directrice des Opérations à ICF, Catherine Tulpa qui dirige l’Association for Coaching, Tatiana Bachkirova de l’université Oxford Brookes ou Peter Hawkins : le colloque de l’APAC à Bangkok en mai attire en effet beaucoup de monde car l’attention se déplace vers l’Asie…

Au niveau du programme, plusieurs sessions étaient exclusivement consacrées à la supervision des coachs ou bien la supervision y a été très présente :

– Une présentation de la stratégie de l’EMCC en matière de supervision avec une discussion sur les offres : le référentiel de compétences, l’ESQA et l’ESIA. Cette session était animée par Damian et Tom Battye avec pour support la vidéo d’une supervision. Très intéressant.

– La présentation de l’étude EMCC France sur l’organisation de la supervision dans les grands groupes. Cette session était animée par moi-même (Un article sur cette session est disponible en Anglais et je peux l’envoyer à qui le demande). Ce thème sera repris au colloque de l’EMCC France le 10 mars avec la participation des responsables du coaching dans trois grands groupes Français.

– Une session relative à une société immobilière de 900 personnes qui était en grande difficulté en 2000 et qui a décidé de non seulement survivre mais surtout de croître. Pour cela le DG s’est engagé avec résolution dans une Culture Coaching forte. Il y a maintenant 80 coachs internes, 30 coachs externes et… 2 superviseurs internes. Les résultats sont spectaculaires.

– Une session animée par Lesley Matile, Sarah Gilbert et Eve Turner sur l’intervision des superviseurs : un groupe d’une quinzaine de superviseurs a entamé en 2000 de formaliser cette approche et il apparait que, si c’est efficace, ce n’est pas si simple. Fonctionnant depuis 2010 selon un mode semi expérimental, ce groupe a fait un bond en avant en termes de compréhension de qui fonctionne et ne fonctionne pas.

– Enfin une session sur l’ISMCP qui est une reconnaissance de la qualité des programmes de Coaching et Mentoring dans les grandes organisations. Ce standard, qui comprend 67 critères, couvre évidemment la supervision et il a été établi des liens avec tout ce qui a été évoqué ci-dessus.

Bien entendu il y a eu de nombreuses discussions lors des poses, des pots et du dîner. Ces échanges ont permis en particulier d’établir des ponts entre plusieurs pays d’Europe et les USA en matière de supervision, de partager avec les représentants de l’ICF et de consolider les liens avec l’ANSE.

Il apparait que l’ANSE est très en avance sur certains sujets mais que l’information est peu disponible ici parce que les publications sont surtout en Allemand ou en Hollandais. Les discussions mettent en évidence que sur la supervision dans les grandes institutions, la supervision interne et l’intervision l’ANSE est en pointe. Des liens collaboratifs ont donc été établis afin d’échanger les données de recherche. A l’inverse le Code de Déontologie Global de l’EMCC/AC a été vu par l’ANSE comme une avancée majeure digne d’attention.

Quelles tendances se dégagent de ce colloque ?

– Tout d’abord l’identité de l’EMCC se précise et se renforce comme association de coachs et mentors mais aussi de superviseurs.

– Ensuite, la progression du coaching interne a fait l’objet de nombreuses discussions. L’apparition de superviseurs internes se précise et leur nombre va croître dans le court terme.

– La supervision des grandes masses de coachs (internes+externes) au service d’une entreprise va devoir être explorée plus avant car le sujet devient chaud.

– Enfin, de nombreuses actions visent à mieux définir la profession de superviseur de coachs et ses spécificités par rapport aux autres formes de supervision qui émergent dans les entreprises (supervision de DRH, de managers, de dirigeants, etc…

Tout cela est passionnant.

Belle journée à tous

Michel Moral
Formateur de superviseurs de coachs


Conférences sur la supervision en février 2017

Il y a eu récemment à deux conférences au sein d’un groupe international de superviseurs en provenance des cinq continents qui s’apportent mutuellement du développement professionnel.

La première était animée par Jackee Holder et traitait des techniques d’écriture réflexive en supervision. Elle a évoqué en particulier un outil nommé « Journal Ladder » créé par Kathleen Adams.
S’agissant d’auto-supervision je n’ai pas complètement accroché à cette approche. J’ai en effet la croyance, peut-être limitante, qu’un superviseur autre que soi est préférable (difficile de faire son lit sans en sortir…).
Toutefois, c’est une technique de supervision de plus qui s’ajoute à la centaine déjà identifiée.

La seconde était animée par Tatiana Bachkirova, professeur et co-directrice du Centre international pour le coaching et le mentoring à Oxford Brookes University, Royaume-Uni. Elle est professeur de psychologie des coachs et enseignante dans le doctorat de coaching. C’est elle la présidente du colloque international annuel sur la supervision des coachs. Elle dirige aussi le programme d’Oxford Brookes sur la supervision des coachs.

La conférence portait sur le rôle et l’impact des superviseurs dans le processus de développement des coachs. Il s’agissait de déceler les interactions entre les trois fonctions de la supervision : Développement, Qualité et Soutien.

Tout d’abord, les fonctions Qualité (Favoriser des pratiques professionnelles de qualité conformes aux normes et à la déontologie) et Soutien ont des objectifs court-terme tandis que le Développement porte plutôt sur le moyen et long terme.
Pour sa part la Qualité est une fonction aux contours incertains et qui très subjective : qui peut dire qu’une session a été bonne ? le superviseur, le supervisé, l’école qui a formé le supervisé, le client, l’association ? Une recherche menée par Adian Myers (2014) montre que ces positions différentes ne peuvent pas toujours être réconciliées.
Une autre limite de la fonction Qualité est que n’est discuté que ce que le supervisé apporte et veut discuter.

En dernier lieu, et c’est un point clé, ce que ne peuvent résoudre immédiatement les fonctions Qualité et Soutien de la supervision devient assez naturellement un thème pour la fonction Développement.
Le plan de développement se trouve alors rapidement encombré de toutes sortes de scories : confiance en soi, créativité, dimension spirituelle ou émotionnelle, sens du collectif et de l’organisationnel, etc… bref, les arbres peuvent cacher une forêt dans laquelle les théoriciens se perdent.

C’est pourquoi Tatiana balaye la table d’un revers de main pour faire place nette : elle recommande une approche de la fonction Développement qui serait radicalement différente et essentiellement centrée sur la Conscience de Soi (tiens tiens… c’est justement la compétence 1 du coach dans le référentiel EMCC). Elle utilise pour cela la théorie développementale qui vise l’atteinte d’un Soi professionnel très mature.

Tatiana a cette habitude de prendre soudain du recul lorsqu’un sujet lui semble être devenu trop touffu. Sa conférence sur le modernisme et le postmodernisme dans le coaching à Ashridge le 27 juin 2014 avait d’ailleurs fait quelques vagues.
C’est très rafraichissant et a pour vertu de redémarrer la machine à se poser des questions.


La supervision de la supervision

La plupart des associations de coachs et/ou superviseurs demandent aux superviseurs d’être eux-mêmes supervisés ou intervisés. Cependant, ils n’existent que très peu de publications sur les questions que cela soulève et sur les techniques nouvelles que cela pourrait nécessiter.

Mais voici que cela change puisqu’un groupe de réflexion international d’une quinzaine de personnes a tenu en octobre 2016 (voir l’annonce du 15 octobre) une réunion pour échanger les points de vue sur ce sujet. En fin de réunion il avait été décidé de créer un groupe de travail. Celui-ci vient de se réunir pour la première fois.

Lors du groupe de réflexion en octobre tous les participants, Anglo-Saxons pour la plupart, étaient superviseurs de superviseur et consacrent de 20 à 70% de leur temps à cette activité. Tous leurs clients supervisent non seulement des coachs mais également des psychothérapeutes, des médiateurs et d’autres professions de l’accompagnement. La réunion a été centrée sur la supervision des superviseurs de coachs et a débouché sur les conclusions suivantes :

– Elle est indispensable car « il difficile de faire son lit sans en sortir » pour le superviseur comme pour tout autre accompagnant.
– Les processus possibles sont variés. Toutefois les processus délégatifs sont les plus pratiqués ainsi que l’intervision régulée.
– Au niveau des contenus la fonction « support » (resourcing) devient quasi inexistante.
– La fonction « développement » demeure mais avec des objectifs très ambitieux.
– La fonction « qualité » demeure aussi avec une orientation plus résolument systémique.
– Des outils spécifiques et novateurs commencent à émerger.

Le groupe de travail réuni récemment est entré « dans le dur » et, en particulier, les discussions ont examiné plus en détail la fonction « développement » en supervision de superviseur.

Celle-ci est bien sûr fort différente que celle déployée en supervision de coachs.

Les préoccupations de ceux-ci sont en effet d’aller vers une accréditation ou de devenir une autre sorte de coach (coach d’équipe par exemple) ou d’acquérir de nouvelles capacités de coach, ou encore de développer leur identité de coach.

De leur côté, les superviseurs cherchent à développer leur capacité réflexive personnelle et auprès des coachs, à améliorer la capacité à penser de façon éthique et toutes ses autres capacités décrites par Hawkins & Shohet (2006) qui le distinguent du coach.

En outre, et c’est un point que soulignait récemment Tatiana Bachkirova dans une conférence sur la fonction « développement » en supervision (voir annonce du 4 février), cette fonction ne doit pas seulement être le réceptacle de ce qui ne peut être résolu dans les deux autres fonctions.

Il y a donc lieu de définir plus précisément sur quoi le développement des superviseurs doit porter et la Conscience de Soi vient naturellement en premier.

Les autres axes de réflexion, nombreux, ont été listés et un plan d’action a été défini. En particulier il a été décidé d’inclure l’ANSE et les superviseurs américains dans la réflexion.

Cette fois c’est parti !!