Intelligence collective


La supervision en intelligence collective

Michel Moral

Mon mot du jour concerne le cinquième colloque international sur la supervision des coachs qui a eu lieu les 10 et 11 juillet à l’université Oxford Brookes.

Il y avait 20 participants le premier jour pour la Master Class de David Drake sur son approche narrative intégrative et 80 participants le deuxième jour, de huit nationalités différentes, dont quatre français en incluant Florence et moi-même. Au niveau des acteurs, cinq entités se distinguent par leur représentation :

  • Bien sûr l’université Oxford Brokes qui a organisé l’évènement et qui, par la voix de Tatiana Bachkirova, milite depuis longtemps pour une forme renouvelée de la supervision (voir à ce sujet mon mail du 26 juin 2014),
  • L’AOCS qui se pose comme l’association de superviseurs en pointe pour la supervision des coachs,
  • CSA qui continue à déployer sa formation de superviseurs de coachs à travers le monde,
  • Bath (Peter Hawkins) qui milite pour un focus accru sur le système du client.
  • L’ANSE qui était bien représentée cette fois et qui pousse tranquillement le système ce compétences « UE » publié en mars 2015.

L’APECS ansi que les grandes associations de coachs étaient silencieuses.

Depuis cinq ans que nous participons à cet évènement il apparaît clairement une évolution depuis un style de supervision hérité de la psychothérapie et matinée de principes issus du coaching  vers un style beaucoup plus ancré dans les notions les plus récentes, plus intégratives et plus orientées vers le système que vers le coach. Les différences culturelles apparaissent également avec la Grande Bretagne qui favorise plutôt la supervision individuelle, la Hollande qui utilise massivement l’intervision et les pays à l’Est qui sont plutôt orientés vers la supervision collective. Les interventions étaient d’ailleurs pour moitié (8 sur 16) sur la supervision individuelle.

Notre propre contribution, qui portait sur le fonctionnement d’un groupe de supervision en intelligence collective, se réclame du courant novateur. Florence Lamy en est la principale inspiratrice.

L’objectif, pour une demande donnée de l’un des supervisés, est de mettre plus de « cerveau collectif » dans le processus déployé au profit du demandeur. Pour cela un metaprogramme de pensée collective est élaboré qui conduit au choix (parmi une trentaine) ou à la création in petto d’un processus groupal.

L’idée met à profit les récentes recherches de David Engel et d’Anita Woolley sur l’intelligence collective. Notre hypothèse est que pour emmener le groupe de supervision en intelligence collective, outre l’empathie, il est nécessaire d’intégrer la notion de « théorie de l’esprit » (voir le Test de Sally ) Nous continuons à développer cette approche et la publierons très bientôt.

Peut-être pouvons-nous donner quelques détails sur la récente enquête menée par Peter Hawkins et Eve Turner sur la situation mondiale de la supervision. Par rapport à celle de 2006 à laquelle elle se compare certains points sont examinés plus en détail, en particulier les prix de la supervision et relations contractuelles entre l’organisation, le client, le coach et le superviseur.

La population étudiée comprend 717 coachs, 76 organisations et 61 clients individuels. Cette population se répartit sur les cinq continents avec environ un tiers des réponses en UK.

Par rapport à l’enquête de 2006, les résultats montrent que :

  • La supervision des coachs a fortement progressé : 83% au lieu de 44% en 2006,
  • 67% des organisations attendent que les coachs qu’elles emploient bénéficient d’une supervision mais beaucoup n’insistent pas sur ce point ou se contentent d’affirmations sans preuves,
  • 38% des organisations n’emploient un coach que s’il est supervisé,

Les différences entre les géographies sont importantes, ainsi les USA sont là où était la Grande Bretagne en 2006. Malgré une importante évolution il reste que les coachs internes sont encore beaucoup moins supervisés que les coachs externes et les contrats tripartites (organisation, coach, superviseurs) sont quasi inexistants et peu clairs.

Enfin, et c’est la plus important, les coachs donnent leur engagement à être professionnels comme première raison (93%) pour la supervision. L’obligation (exigence d’une association) ne vient qu’en troisième position (34%).

Impossible de tout résumer. Il y a eu quelques informations intéressantes sur les risques de la supervision, sur une notion de processus parallèle étendu, etc… Bref, un bon colloque.


Qu’est-ce qui explique l’intelligence collective ? 

Michel Moral

Le mot de ce jour concerne la recherche publiée en décembre 2014 par David Engel à propos de l’intelligence collective et qui a suscité pas mal d’échanges entre superviseurs de différents pays. Un des thèmes qui préoccupe actuellement les superviseurs anglo-saxons est en effet la supervision des coachs d’équipe et les techniques afférentes.

Cette recherche fait suite à celle, très remarquée, d’Anita Woolley publiée en 2011.

La plupart d’entre vous ont dû en entendre parler. Pour mémoire la recherche de Woolley porte sur 200 groupes soumis à 10 tâches différentes. L’analyse statistique fait apparaître qu’un seul facteur peut expliquer 43% de la performance.

Ce facteur baptisé « intelligence collective » par Woolley est très corrélé avec la façon de distribuer la parole au sein du groupe et avec la « sensibilité sociale » (intelligence relationnelle) totale mesurée à l’aide du test « Reading the mind in the eyes » de Baron-Cohen (2001) .

La recherche de David Engel porte sur 68 groupes. L’objectif est d’explorer dans quelle mesure l’intelligence collective émerge dans des groupes travaillant online.

Elle reprend le protocole de celle d’Anita Wolley avec les variantes suivantes :

  • Une partie des groupes communique en face à face tandis que l’autre ne communique qu’en ligne, par du texte seulement, via un système partagé. Les membres de ces derniers groupes n’ont jamais rencontré leurs coéquipiers.
  • La contribution des membres qui communiquent en ligne est mesurée par la quantité de texte envoyé.
  • La personnalité des participants est mesurée avec le « Big 5 » et agrégée en un facteur de personnalité par groupe.
  • Les tâches sont plus nombreuses et plus variées.

Les résultats sont intéressants, en résumé :

  • Le facteur « intelligence collective » explique 49% de la performance pour les groupes face à face et 41% pour les groupes online.
  • Le total des scores au « Reading the Mind in the Eyes Test » est fortement prédictif de l’intelligence collective, aussi bien pour les groupes face à face que pour les groupes online.
  • Comme pour la recherche de Wooley la présence de femmes a un effet positif sur l’IC mais l’intelligence cognitive des membres n’en a que peu.
  • Le facteur de personnalité par groupe n’a pas d’effet sur l’IC.

Ce que montre la recherche d’Engel, c’est que le test « Reading the Mind in the Eyes » donne une bonne mesure de la « Théorie de l’Esprit », terminologie que les auteurs préfèrent à celle de « sensibilité sociale » utilisée par Woolley.

Mais, et c’est là le fait le plus significatif, ce test mesure également très bien notre capacité à « lire entre les lignes » l’état d’esprit et les intentions de l’autre dans du texte online (mails par exemple).

C’est une information très importante à une époque où nous coachons des équipes dispersées à travers le monde et nous supervisons, parfois à distance, des coachs qui ont la charge de telles équipes. Combien de fois sommes-nous tombés sur des situations de mails sur-interprétés qui conduisent à de graves malentendus ?

La bonne nouvelle est que la possibilité d’améliorer la « sensibilité sociale » existe. Métaphoriquement il suffit de lever les yeux depuis notre nombril vers le regard de l’autre. Cette discipline intérieure du coach et du superviseur peut s’acquérir simplement par entrainement.

A noter que d’autres test existent pour mesurer la « sensibilité sociale » tels que « Faux Pas Recognition », « Reading the Mind in the Voice » et « Social Reasoning Wason Selection » et il est à prévoir qu’ils prédisent également la capacité à lire entre les lignes.

Pour finir, le programme de la cinquième conférence internationale sur la supervision des coachs est maintenant disponible. La conférence aura lieu cette année le 11 juillet au John Henry Brookes Building à l’Université Oxford Brookes.